Une photo de grand-mère

Esther Hautzig dresse ici un portrait intimiste et familial. Une précieuse note, en fin de volume, donne le contexte de ce court récit. Esther Hautzig est née à Vilna (Wilno en polonais, aujourd’hui Vilnius) au temps où la Lituanie était polonaise. Déportée en Sibérie en 1941, elle émigre en 1947 aux Etats-Unis. Une photo de grand-mère est d’abord un récit autobiographique, les mémoires d’une petite fille dans une famille juive des années 30. Une famille unie et aimante, dont les femmes tiennent ici la première place. C’est ensuite l’histoire d’un terrible secret de famille que la petite Sara, personnage principal, va peu à peu découvrir. Le premier chapitre est consacré à l’attente et la joie d’une lettre venue de New York : celle de l’oncle de Sara, Benjamin, adressée à sa mère. La jeune fille est impatiente, elle aimerait tant savoir ce qui est écrit. Mais dans cette société bien rangée, où l’ordre et la politesse font bon ménage, il faut attendre l’accord des adultes. Par cette lettre, Benjamin invite la mère de Sara et sa grand-mère, Hanna, a l’exposition universelle de 1939. La joie est immense, mais Benjamin réclame également une photo : celle de sa mère, encore jeune, où elle porte un chemisier fermé par un précieux camée. Tout le récit va tourner autour de cette photographie, d’abord introuvable, perdue et inaccessible. Cette photographie va également révéler bien autre chose pour toute la famille : un non-dit qui avec le temps ne semble pas s’être refermé. Mais la petite Sara, voulant d’abord aider, puis réconcilier, va par sa naïveté et son grand cœur, percer ce lourd secret : celui d’une grand-mère morte, celui d’une belle-mère aimante, celui d’une grand-tante ronchonne et affectueuse. Mais au-delà de cette histoire familiale (basée sur des faits réels nous dit l’auteur), c’est toute une communauté qui se révèle sous nos yeux, avec ces caractéristiques ancestrales, un profond dévouement à la religion, à l'éducation, aux livres et à l’écriture, une grande attention à la parole donnée. Un récit facilement accessible, au-delà de toutes considérations politiques ou historiques. Esther Hautzig nous offre une histoire tendue et agréable sur un monde aujourd’hui disparu et omet soigneusement toutes références à la tragédie de ce peuple, pour se concentrer avant tout sur la vie et la transmission.