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Qu'est-ce que les Indiens des "tipis" racontent aux enfants des maisons ?

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Annie Rolland
3 mai 2011





Là-bas vient l'aube,
Le monde devient vert,
La route du monde d'en dessous
Est ouverte! Cependant nous vivons,
Vers le haut, vers le haut !

Vers le haut.
Poème des indiens Tewa [3]




La Terre tremble, les Océans se soulèvent, et le cœur des centrales nucléaires entre en fusion. Des peuples opprimés se battent pour conquérir la liberté et la dignité volées. L'eau, composante originelle du monde vivant, devient de plus en plus rare. L'actualité planétaire nous invite à regarder du côté d'un peuple ancien, mythique, dont l'enseignement n'est parvenu jusqu'à nous que par miettes de folklore éparpillées, trahies. J'ai cherché dans une œuvre d'art la matière nécessaire à la pensée pour nourrir une réflexion qui me sauverait de la tristesse et je l'ai trouvée en partie dans un film de Akira Kurosawa intitulé "Rêves" [15]. En passant par le Japon, j'ai rejoint les Indiens d'Amérique. En effet, dans les huit rêves qui composent cette œuvre originale tant sur la forme que sur le fond, le cinéaste porte à l'écran un sentiment d'exister menacé par la perte des repères essentiels du monde vivant. Les émotions d'un homme au-delà de son âge réel - dans les deux premiers rêves, il est un enfant - sont représentées dans l'image et l'action, sur un mode fantastique ou réaliste. Les huit rêves de Kurosawa sont huit contes intemporels qui nous montrent comment rêve et réalité ont une interface commune. Le sixième rêve, intitulé Le Mont Fuji en rouge, est comme "prémonitoire" car il montre le désespoir du peuple japonais après une catastrophe nucléaire. Le dernier rêve, Le village des moulins à eau, nous emmène dans un monde où les êtres humains vivent en accord avec la nature. C'est de ce village que nous partirons pour rencontrer les Indiens d'Amérique.






Le conte : un acte de parole

Nous allons nous asseoir, de préférence sur l'herbe, afin d'écouter les histoires racontées par les indiens d'Amérique du Nord qui nous enseignent les principes essentiels de toute vie. Guêtres de Pollen [10], Nuage d'Avril [11] et Regarde en l'air [12] sont les personnages de trois contes amérindiens retranscrits par Jean-Paul Mortagne et illustrés par Caroline Flamant. Edités par La Librairie du Labyrinthe, ils sont présentés sous une forme simple mais un détail attire l'œil dans le texte : le nom de chaque personnage est imprimé en couleur… Le ton est donné au sens propre comme au sens figuré.

De l'adoption d'un enfant à la création du monde en passant par la quête d'un idéal, les trois contes disent aux enfants le sens de la vie. La terre n'appartient pas aux êtres humains, les enfants n'appartiennent pas aux parents. Un être vivant ne devient lui-même qu'au prix de métamorphoses successives. La solidarité entre les êtres vivants est la condition sine qua non à la paix intérieure nécessaire à chacun de nous. L'univers tout entier est contenu dans une graine prête à germer et ce n'est pas seulement une métaphore...

Cela vaut bien un cours de philosophie mais bien plus encore, cela ressemble à une sorte d'éco-psychologie. La tradition orale est bien loin de nous mais il suffit parfois de lire à haute voix pour que nous parvienne comme un murmure le bruissement de l'ancien monde, quand les êtres humains trouvaient le sens à la vie dans le chant de la Terre. Ainsi que le soulignent ceux qui ont contribué à la préservation de l'héritage spirituel des indiens d'Amérique du Nord, "l'acte de parole indien c'est que le dire est le faire. Les "j'ai dit", "j'ai parlé" des fins de discours de chef sont autant de traités fermes. La parole blanche, elle, a généralement fait le contraire de ce qu'elle prononçait." [4] Le souci d'authenticité de parole a évidemment un retentissement politique important compte tenu de l'histoire des Indiens d'Amérique, mais nous mettrons l'accent ici sur un autre enjeu universel de la dimension de la parole qui concerne la poésie et la littérature. Simon Ortiz, poète d'Acoma Pueblo au Nouveau Mexique plaide en faveur des histoires, des contes: "Vos enfants ne survivront pas si vous ne leur racontez pas quelque chose sur eux-mêmes - comment ils sont nés, comment ils sont venus à l'endroit où ils sont, comment ils y sont toujours." [4] Le secret des origines peut être dévoilé aux enfants par la métaphore du conte, car ils sauront l'interpréter à l'aune de leurs propres questions.






La création des papillons et l'adoption de Guêtres de Pollen

Un grand-père nommé Regarde la Lune compte les étoiles dans le ciel; sa femme s'appelle Silencieuse Jusqu'au Dégel car elle ne parle pas en hiver. Leur fille, Herbe du Milieu (car elle est née comme une fleur pousse entre deux pierres) est seule depuis que son mari n'est pas revenu de la chasse. Tous trois dorment dans le même tipi, Guêtres de Pollen aussi... Elle a treize ans. Le chef du village l'avaient trouvée au milieu d'un troupeau de bison alors qu'elle n'était qu'un bébé et l'avait confiée à Herbe du Milieu. C'est elle qui lui a donné ce nom car un jour que la petite fille avait enlevé ses mocassins pour marcher dans les fleurs, "Le pollen collé sur ses jambes prenait l'apparence de guêtres jaunes. Comme les guêtres que les indiens mettent sur leurs bottes en daim pour éviter que la neige n'entre dedans sans y être invitée." La petite fille avait "une chose de l'hiver et du printemps en un seul nom !" Un jour qu'elle cueille des fleurs à pleines brassées dans la prairie, Regarde la Lune lui recommande de ne pas cueillir les fleurs ainsi : "La terre est notre mère.(...) elle ne nous appartient pas, c'est nous qui appartenons à la terre."

La petite fille triste va dans la prairie, cueille un grand bouquet de fleurs, puis détache chaque pétale de chaque fleurs, les rassemble dans ses mains et les jette en l'air. Chaque pétale tourbillonnant se métamorphose alors en papillon devant Guêtres de pollen émerveillée. Les Indiens racontent que le Grand Esprit a aidé Guêtres de Pollen à créer les papillons pour "effacer le gris de son cœur." Les Indiens ont fêté l'événement avec les chants et des danses, leurs visages peints de toutes des couleurs.

"Deux lunes plus tard, Guerrier Gris est arrivé". Triste et en colère, jaloux du don de Guêtres de Pollen, il veut l'épouser ou la tuer. La jeune fille se sauve en courant poursuivie par Guerrier Gris, à cheval. La course est inégale et pour qu'elle échappe à son poursuivant, il faudra le courage d'un castor, la loyauté d'un loup, l'astuce d'un ours et la fraternité des papillons. Je vous laisse découvrir comment Guêtres de Pollen sera sauvée mais sachez que Guerrier Gris lui-même, si fâché contre la vie, sera guéri de sa colère...

Dans cette histoire il est question des choses les plus graves de la vie: la mort d'un proche, l'abandon, la solitude. La parole structurante et l'amour d'une famille adoptive permet à une enfant blessée de se réconcilier avec la vie. "Qu'est-ce que la vie? C'est l'éclat d'une luciole dans la nuit. C'est le souffle d'un bison en hiver. C'est la petite ombre qui court dans l'herbe et se perd au couchant." Ainsi a parlé Crowfoot, porte-parole de la confédération des Blackfeet, juste avant de s'éteindre en avril 1890 [8]. Outre le fait que Guêtres de Pollen est sauve grâce à la solidarité de ceux qu'elle rencontre dans sa fuite, l'histoire met en évidence les liens invisibles de cause à effet entre la souffrance et la violence. La dépression du guerrier solitaire et frustré le conduit sur un chemin pavé de colère. L'enchantement provoqué par la beauté d'un papillon peut-il guérir un homme si malade? Nous connaîtrons la réponse à cette question en écoutant les indiens parler.






Le secret de la vie: le désir de Nuage d'Avril

Une souris nommée Nuage d'Avril entend des bruits là où les autres n'entendent rien. Moustache d'Argile, le chef de la tribu, pense qu'elle a "un grain de folie" et il rappelle que chacun doit la respecter car : "La folie, dans la tribu, c'est sacré". Comme Nuage d'avril se sentait incomprise, elle s'en alla un beau matin à la recherche de l'origine de ce bruit qui l'émerveillait. Dans sa quête elle rencontre une grenouille philosophe qui lui enseigne que la peur de mourir empêche de vivre. L'important c'est la vie, l'instant, le présent ; en se concentrant sur ce que l'on voit on découvre ce que l'on veut. Nuage d'Avril a vu des tâches blanches sur le soleil, elle décide de "marcher vers les tâches blanches du soleil". Vieux Castor lui confie un secret : "Ce que tu fais, fais-le magnifiquement", et une formule mystérieuse : 1+1=3. Grand Bison, seul, triste et agonisant, lui demande de lui donner un de ses yeux pour lui sauver la vie. Nuage d'Avril s'interroge, "Le pire est-il de perdre un œil ou de perdre la vie ?... Il vaut mieux être borgne." Se dit-elle et elle donne un oeil à Grand Bison qui recouvre la santé et la joie. "Jamais je n'aurai imaginé qu'un être aussi petit me donne une chose aussi grande !" s'exclame Grand Bison qui accepte d'emmener Nuage d'Avril sur son dos pour l'aider dans sa quête. Ils ont traversé ainsi la Grande Plaine et Grand Bison s'est arrêté au pied de la montagne. La petite souris courageuse commence à escalader en se souvenant qu'il faut "toujours regarder quelque chose ou quelqu'un de plus grand que soi".

En chemin elle donne son deuxième oeil à un loup borgne et agonisant, car "le pire était-il de perdre la vue ou de perdre la vie ?" Reconnaissant, le loup a emmené Nuage d'Avril en haut de la montagne. Cependant, la petite souris aveugle cramponnée à la fourrure du loup, prenait conscience que son voyage n'avait plus beaucoup de sens, car elle n'avait désormais plus aucune chance de voir quoi que ce soit...

La fatigue a embrumé son cerveau, "le temps s'est étiré", ne révélons pas comment cela s'est réellement passé, mais Nuage d'Avril s'est réveillée au creux de "la plus belle tache blanche du soleil", elle était devenue Aigle Royal...

L'histoire de Nuage d'Avril nous donne à penser la frontière ténue entre le don et le sacrifice. Quand le désir de vivre transcende le désir de posséder, le don n'est plus un sacrifice mais il contient une promesse de métamorphose. Mais tout cela commence, me direz-vous par un grain de folie...

Quand la folie est admise comme composante psychique fondamentale, même si elle demeure incomprise, elle possède un pouvoir révélateur. Dans les sociétés modernes et industrielles, la folie est un objet d'exclusion car elle s'oppose au contrôle, à la norme qui exige de participer coûte que coûte à la production. La norme sociale nous incite à courir, à avancer, à progresser, à produire. Ohiyesa, écrivain Santee Dakota, fait l'éloge de l'arrêt: "Tout ce qui bouge maintenant comme alors, ici comme là, marque des arrêts. L'oiseau arrête son vol en un lieu pour faire un nid, et en un autre pour se reposer dans son parcours. (...) Ainsi Dieu s'est arrêté. Le soleil qui est si beau et si brillant, est un endroit où il s'est arrêté. La lune, les étoiles, les vents, il s'y est aussi arrêté. Les arbres, les animaux ont tous surgi où il s'est arrêté (...)." (In The soul of the Indian. Houghton Mifflin, Boston, 1911) [8]. Nous comprenons alors la différence entre la production qui procède de la vitesse et la création qui relève de la pause contemplative.

Quand Nuage d'Avril s'arrête, ce n'est pas pour renoncer, c'est pour marquer de sens le chemin de sa vie. Nombreux sont mes patients qui, lors de notre première rencontre disent vouloir avancer, ils sont douloureusement prisonniers de l'urgence. C'est ce qui motive la première consultation. J'éprouve à chaque fois le curieux désir de les inviter à s'arrêter un peu, pour reprendre leur souffle, tant ils me paraissent fatigués...






Les origines de la vie : la curiosité de Regarde en l'air

Les Indiens racontent qu'au tout début du monde, les êtres humains vivaient sous terre, et à la surface de la terre, "on ne trouvait ni fleur ni oiseau, seulement une vaste étendue de terre rouge. Aucun cœur ne battait." Une jour, sous terre, une graine a germé et un enfant l'a regardé pousser. La graine est devenue arbre qui se faufilait entre les pierres, en l'air, vers le haut. L'enfant devenu homme contemplait la progression de l'arbre, le visage illuminé. Les Indiens, amusés ou envieux, l'avaient nommé Regarde en l'air. Un jour Regarde en l'air a parlé : "Je vais grimper." Dit-il. Il a salué ses parents et a commencé l'ascension le long du tronc de l'arbre, suivi par les jeunes gens de sa tribu. Après trente jours de montée, amaigris et affamés, ils doutent. Regarde en l'air demande aux fourmis de leur prêter leurs crochets. Elles acceptent en échange d'une protection contre les abeilles. Regarde en l'air trouve fume le calumet de la paix avec la reine des fourmis et la reine des abeilles. Les jeunes Indiens continuent leur ascension et voient enfin la lumière. Ils se hissent par un trou à la surface et découvre une terre immense toute ridée, un désert rouge... Effrayé, Regarde en l'air se penche au-dessus du trou d'où il est sorti et voit Tremble la terre monter le long du tronc. Elle a la funeste réputation de détruire tout ce qu'elle approche. L'arbre se brise sous son poids. Se voyant condamné à errer sur cette terre inhospitalière, Regarde en l'air implore sa mère. Les larmes de la mère, et le souffle qu'elle donne à la sève des racines feront naître la vie à la surface de la terre. Depuis ce temps, aux dernières neiges, les Indiens entonnent un chant : "Mère, aidez-nous, donnez votre souffle à la terre." C'est le chant de Regarde en l'air...
Regarde en l'air nous raconte les origines du monde à partir du cœur de la terre, comme si de ses entrailles profondes avait germé un désir de lumière, une irrépressible curiosité. Cette histoire relie l'histoire individuelle de chaque être humain et l'histoire du monde vivant : végétal, animal et humain confondus en une seule espèce, animée par le souffle de la vie, autrement dit, du désir. Voyons ce que les théoriciens, ethnologues, anthropologues, psychanalystes nous racontent au sujet des mythes.






Le psychanalyste André Green souligne les divergences de point de vue entre «mythologues » et psychanalystes : "Les premiers soulignent les différences, les seconds les ressemblances ; les premiers distinguent, les seconds rassemblent". [7] Examinons les mythes amérindiens sous l'angle du psychanalyste. Les travaux d'ethnologie à propos des liens entre le corps et le cosmos chez les peuples amérindiens [13] montrent "une continuité topologique entre les faces des êtres et leurs mondes respectifs, et qui fait du corps le lieu même du passage entre ces mondes". Cette conception s'observe chez les Mayas Lacandons du Mexique ainsi que chez les autres peuples Mayas, chez les Mexicains du plateau central, les Pueblo d’Arizona et du Nouveau-Mexique et les Hopis de la troisième Mesa en Arizona [13] Les mythes et les rituels de ces peuples établissent un ancrage de la pensée consciente et inconsciente dans une continuité cosmique que l'on peut rapprocher du "sentiment océanique" que Sigmund Freud a évoqué avec scepticisme comme une énigme sous l'influence de Romain Rolland [5]. La psychanalyse a rapproché ce sentiment du vécu narcissique archaïque du nourrisson : sentiment d'être le monde. La réflexion psychanalytique se montre perplexe quant au vécu océanique car, "en abolissant la différence entre l’extérieur et l’intérieur dans un état de mêmeté à soi, il permet aussi d’annihiler toute espèce de doute. Croyance totale, incommunicable et solitaire".[9] Nous ne sommes ici pas très loin d'une forme d'autisme, voire de l'autiste, forteresse imprenable et véritable bulle dans l'espace intersidéral. Pourtant, il semble que la vision amérindienne du sentiment cosmique d'exister soit une invitation à communiquer plus qu'une menace de fermeture à l'autre.

La réflexion de Jacques Galinier [6] constitue un éclairage intéressant de la cosmologie amérindienne d'un point de vue psychologique. A propos de la mise en scène rituelle des conflits chez les Indiens Otomi, il souligne la puissance évocatrice de l'interprétation indigène du conflit "qui permet de représenter dans un même mouvement un "en dedan" de l’appareil psychique et un "au-dehors" de la communauté (le village) et de sa réplique cosmique, grâce à différents codes : sociologique, astronomique et, bien sûr, psychique." Les indiens Otomi sont en quelque sorte, à travers les mythes des interprètes du sens de la vie, des théoriciens de leur vie psychique. L'auteur pose alors une question essentielle : si l'Indien est un théoricien de sa vie psychique grâce à sa mémoire culturelle, qu'en est-il de l'homme occidental, si sa mémoire a été vidée des représentations du liens cosmique qui le relient à la vie ? Comment peut-il penser et interpréter les évènements de son existence individuelle et sociale?






Bruno Bettelheim [2] critique la littérature destinée à former l'esprit et la personnalité de l'enfant car, écrit-il, "elle est incapable, en effet, de stimuler et d'alimenter les ressources intérieures qui lui sont indispensables pour affronter ses difficiles problèmes". Il se montre d'autant plus convaincu qu'il a compris comment les contes de fées parlent directement à l’inconscient de l’enfant en donnant forme aux tensions, aux peurs, aux désirs, aux angoisses qu’il éprouve. Ils lui permettent de comprendre ce qui se passe en lui à un niveau inconscient, d'élaborer ses conflits psychiques. Nous ne sommes donc pas si différents des Indiens. Je suggère donc que l'homme tisse lui-même les liens qui le relie à son humanité en écoutant les histoires de ses ancêtres et contemporains (si toutefois elles rompent avec la tendance moralisante et manichéenne bien sûr !) mais aussi celles des Indiens, comme un supplément d'âme...

"Ainsi marche dans la beauté mon petit-fils" [4]

Pour Gaston Bachelard [1] les forces imaginantes de notre esprit sont fondées sur les quatre éléments que sont le feu, l'eau, l'air et la terre. Nos rêves en sont étroitement dépendants mais pour une raison plus subtile que ne le laissent croire les apparences. En effet, selon le philosophe "on rêve avant de contempler", car tout paysage est d'abord une expérience onirique avant d'être un spectacle conscient. Dans l'imaginaire Amérindien, les quatre éléments fondamentaux constitue le socle même de la pensée humaine, leur matérialité est un constituant essentiel de la vie physique et psychique jamais dissociée. Si nous voulons protéger nos enfants, les histoires que nous leur racontons ont le pouvoir de les protéger de l'intérieur en leur insufflant (comme la mère de Regarde en l'air !) la sensation que "le début est partout. Il n'y a pas de différence entre le commencement du monde (...) et la sortie de la maladie sur le chemin de la beauté (...)." [4] Cette belle image donne une consistance substantielle au sentiment de continuité d'exister si précieux pour l’indépendance du jeune être humain, pour l’espoir et la confiance qu'il place dans la vie. Le Chef Sioux Oglala, Luther Standing Bear, dans sa grande sagesse a dit: "L'homme qui s'est assis sur le sol de son tipi, pour méditer sur la vie et son sens, a su accepter une filiation commune à toutes les créatures et a reconnu l'unité de l'univers; en cela, il infusait à son être l'essence même de l'humanité." [8]

Quand autour de nous le monde semble se dérober, aux prises avec une violente pulsion destructrice et humaine, comment dire le monde et la vie aux enfants qui incarnent l'avenir ? Tahca Ushte, chef spirituel de la tribu des Sioux évoque, non sans sourire, sa "vision d'un homme lumière qui viendra mettre un terme à l'énergie atomique et aux guerres, simplement en en finissant avec l'électro-pouvoir du monde blanc.(...) Ce ne sera pas mal, de se passer de tellement de choses dont nous avons l'habitude, des choses arrachées à la terre et follement gâchées. Elles ne peuvent plus être remplacées et elles ne dureront pas éternellement. Il vous faudra vivre davantage à la façon des Indiens. Les vieux n'aimeront pas ça, mais ça plaira à leurs enfants." [14] Et souhaitons que Guêtres de Pollen les accompagne dans la prairie...


La Cahuette,
le 12 mars 2011

 

Références bibliographiques
[1] BACHELARD Gaston (1942) L'eau et les rêves. Editions José Corti
[2] BETTELHEIM Bruno (1976) Psychanalyse des contes de fées. Traduit de l'américain par Théo Carlier. Paris, Hachette/littératures, 1998
[3] Chants Peaux-Rouges (1979) traduits de l'américain par Hubert Comte. Paris, Les éditeurs français réunis.
[4] DELAY Florence, ROUBAUD jacques (1988) Partition rouge. Poèmes et chants des Indiens d'Amérique du Nord. Editions du Seuil.
[5] FREUD S. (1929) Malaise dans la civilisation. Revue française de Psychanalyse, t. VII, n° 4, 1934, p. 692, et t. XXXIV, nº I, 1970
[6] GALINIER Jacques (2003) « La mythologie est leur théorie des pulsions. Une approche amérindienne du conflit intrapsychique. » ,Topique, 3 no 84, p. 55-75.
[7] GREEN André (1998) La déliaison. Psychanalyse, anthropologie et littérature, Paris, Hachette.
[8] McLUHAN Teri, CURTIS E. S. ( 1974) Pieds nus sur la terre sacrée. Paris, Denoël.
[9] Mijolla-Mellor (de) Sophie , « Le besoin de croire et ses sources océaniques » , Dialogue, 2007/4 n° 178, p. 15-26. DOI : 10.3917/dia.178.0015
[10] MORTAGNE Jean-Paul, FLAMANT Caroline (2006) Guêtres de Pollen. Amiens, Editions Librairie du Labyrinthe
[11] MORTAGNE Jean-Paul, FLAMANT Caroline (2008) Nuage d'Avril. Amiens, Editions Librairie du Labyrinthe
[12] MORTAGNE Jean-Paul, FLAMANT Caroline (2010) Regarde en l'air. Amiens, Editions Librairie du Labyrinthe
[13] PEREZ Patrick (2007) « L'envers du corps : peau et cosmos chez les Mayas Lacandons (Mexique) », Corps, 2 n° 3, p. 17-24.
[14] TAHCA USHTE, ERDOES Richard (1972) De mémoire indienne. La vie d'un Sioux, voyant et guérisseur (traduction de jean Queval). Editions Plon.

Référence cinématographique
[15] KUROSAWA Akira (1989) Rêves. Producteurs: Steven Spielberg, George Lucas, Akira Kurosawa. Distribution Warner Company.

Dessins d'ouverture par Etienne Delessert.
Illustrations d'intérieur Copyrights Éditions Librairie du Labyrinthe