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Simon Kroug

1 mai 2002



Simon Kroug, jeune illustrateur franco-suisse, vient de faire paraître pour la collection Versatiles des éditions La Joie de Lire son premier album, Les rêves d'Angèle Molinot sur un texte de Marie Bouchane. Un petit album doux et rêveur autour du thème de la vieillesse et du temps qui passe, que nous avons beaucoup apprécié. L'occasion de mieux connaître ce jeune illustrateur...






Ricochet : Simon Kroug, pouvez-vous vous présenter ?

Simon Kroug : Je suis né à Genève en 1977, d'une mère française et d'un père suisse. Aujourd'hui je vis et travaille à Lausanne, une ville qui est aussi au bord du Lac Léman, juste en face d'Evian. Contrairement à beaucoup de dessinateurs ou d'illustrateurs, je n'ai pas rempli les marges de mes cahiers de petits dessins. Mais le soir, après mes devoirs, je passais de longs moments à dessiner, à inventer des personnages et leurs mondes. Plus tard, j'ai découvert la technique de l'aquarelle et le travail d'Hugo Pratt, que j'ai recopié inlassablement. Je voulais absolument dessiner des personnages aussi vivants que ceux qu'il faisait. Hugo Pratt habitait à quelques kilomètres de chez moi, et malheureusement, il est décédé juste après que j'aie décidé de lui rendre visite.

J'ai eu la chance de pouvoir faire un bac artistique à Genève. J'ai décidé de continuer dans la voie des arts visuels et de faire de ce qui n'était déjà plus vraiment un jeu mon métier ! Je suis rentré à l'Ecole Cantonale d'Art de Lausanne, où j'ai appris beaucoup de choses qui n'ont rien à voir directement avec l'illustration. Durant ces années d'études, j'ai fait un travail tout à fait différent, mais je me suis installé dans mon premier atelier. Dans cet endroit, j'ai beaucoup travaillé, surtout à ce qui m'intéressait de plus en plus : l'illustration. Voilà pour ce qui est de ma formation.

Les voyages sont aussi importants pour moi parce qu'ils ont été aussi une certaine école, plus pratique celle-là ! Mes parents m'ont laissé partir très jeune, avec d'autres ados, puis seul plus tard vers des contrées éloignées. J'aime beaucoup les pays du pourtour méditerranéen. Je m'y sens chez moi et j'aime leurs ambiances, leurs couleurs, leurs habitants, leur cuisine, . De chaque voyage, je rapporte des carnets de voyage, de notes et de dessins. Dans mes images, je m'inspire beaucoup de ces souvenirs (même si dans Angèle Molinot, ça ne se voit pas du tout) sans jamais vouloir redessiner exactement ce que j'ai vu. Je préfère dessiner de mémoire, en mettant en image les sensations que j'ai eues là-bas. L'avantage du voyageur, c'est qu'il a tous ses sens en éveil et qu'il est beaucoup plus attentif qu'il ne l'est chez lui ! D'ailleurs, c'est en voyage qu'il y a onze ans bientôt, j'ai rencontré ma fiancée pour la première fois, c'est vous dire !

Après ma Belle et les voyages, je dirais que les livres ont aussi une place de choix. Non seulement l'objet, qui peut être intime et monde clos mais aussi cet immense espace de rêve et de découverte ! Parmis mes auteurs préférés, beaucoup voyagent. Naturellement, j'aime les livres qui ont des images. Les seuls souvenirs que je garde de mes premiers livres sont leurs illustrations. Ce sont elles qui me renvoient toutes les émotions que je ressentais lorsque l'on me racontais l'histoire ou que je la lisais. Faire un livre, c'est une sacrée aventure, qui me passionne.

Ricochet : Comment s'est déroulé le projet des rêves d'Angèle Molinot ?

Simon Kroug : Je ne sais plus comment Angèle est née, mais en tout cas, ce personnage de grand-mère est arrivé soudainement. Je l'ai d'abord dessinée soupirant et tricottant une immense chaussette. Puis j'ai dessiné son époux bien en chaire, fort occupé à ses petites habitudes. Angèle rêvait de revoir la mer, mais le grand-père, lui, préférait profiter de sa retraite. J'aime beaucoup dessiner les grand-mères, parce qu'elles sont pour moi des figures de douceur et de tendresse. Leur univers est complètement idéalisé chez moi : j'y vois beaucoup de protection et de chaleur, de nostalgie aussi, mais pas de tristesse, contrairement à beaucoup d'autres personnes.

Lorsque après avoir montré ces dessins à mon éditrice et l'une de ses collègues, elles m'ont proposé de creuser cette idée et de créer un livre, je n'ai pas hésité. Marie Bouchane a écrit le texte. Nous nous sommes bien entendus sur le caractère des personnages : nous partagions la même vision de ce couple âgé. Et ensuite, j'ai travaillé les images, peut-être un peu trop vite - j'étais tellement excité à l'idée de faire mon premier livre . Je vois des petites erreurs, mais heureusement, je crois que je suis le seul à les remarquer !

Ricochet : Cette ouvrage semble pêtri de souvenirs d'enfance. Comment envisagez-vous les relations entre grand-parents et enfants ?

Simon Kroug : Effectivement, il y a quelques souvenirs d'enfance dans mes images, mais je ne crois pas qu'ils soient le tout. Dans chaque image, il y a les souvenirs de moments vécus avec mes grands-parents, que j'ai la chance d'avoir encore aujourd'hui. Peu de livres, à ma connaissance, traitent des grands-parents SANS leurs petits-enfants. Je pense que lorsque l'on est petit, on ne s'imagine pas (mais parce qu'on n'en a pas la capacité) que nos grands-parents ont aussi une vie en dehors de nos rencontres, qu'ils ont aussi été petits un jour, qu'ils se sont mariés, qu'ils ont changé physiquement pour devenir les personnages que l'on a en face de soi, qu'ils ont leurs rêves...

Un grand-père ou une grand-mère, c'est un personnage qui a un rôle à jouer dans la vie d'un enfant. Quand je pense que mon grand-père a traversé le siècle, si je puis dire, je me dis aussi cette phrase d'un écrivain africain que tout le monde connaît : « Chaque vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle ». Je crois que cette image n'est pas seulement valable pour l'Afrique et ses traditions orales, mais qu'elle l'est aussi pour l'Europe ! Un grand-père ou une grand-mère a beaucoup de choses à raconter, tout autant que les petits enfants. Je pense que la relation entre un grand-parent et un petit-fils est une relation d'écoute. J'ai la chance d'avoir des grands-parents qui racontent bien leurs histoires. et qui m'écoutent et me comprennent. Je sais aussi pour l'entendre de la bouche de mes jeunes élèves que beaucoup d'enfants et de grands-parents sont privés de cette relation. A un grand-parent, on peut dire des choses que l'on ne dirait même pas à ses parents. Il y a cette complicité qui m'a fait beaucoup de bien. Vous allez me dire que j'idéalise complètement, et vous aurez peut-être raison. Mais en tout cas, c'est ce que j'ai vécu.

« Les Rêves d'Angèle Molinot » leur est dédicacé. Mais Angèle ne ressemble en rien à mes deux grands-mères. Ses rêves sont un peu ceux de mon grand-père, qui n'a pas toujours pu faire ce dont il avait envie. L'une de mes grand-mères a plutôt le caractère casanier du grand-père dans le livre, mais pour de bonnes raisons, et l'autre fait tous les voyages qu'elle n'a pas eu l'occasion de faire plus tôt. Physiquement, Angèle ressemble à une grande tante que j'aime beaucoup et qui est vraiment un personnage de mon enfance.

Ricochet : On espère vous revoir très bientôt. Quels sont vos prochains projets ?

Simon Kroug : Je travaille actuellement à un projet de bande-dessinée pour très jeunes enfants, chez le même éditeur. Ce projet me fait un peu peur par son ampleur, mais en même temps, c'est une nouvelle aventure et j'en suis très heureux. Comme le Midi ressort beaucoup dans mes dessins, cette histoire se passera quelque part dans le Sud de la France.

J'ai un autre projet qui patiente depuis de nombreux mois, faute d'auteur, à propos d'un voyage cette fois-ci. Les images sont faites d'une technique particulière et sont monochromes. J'espère vraiment que ce livre pourra être publié.

Et puis je travaille aussi avec une femme qui m'a contacté par internet et dont les idées sont très intéressantes ! Je ne vous en dis pas plus mais je vous tiendrai au courant !



Voir Le site personnel de Simon Kroug


Voir la critique de Les rêves d'Angèle Molinot

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Simon Kroug

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