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Date

Qui a peur des jeux vidéo ?

Alain et Frédéric Le Diberder
1 janvier 1990

Sommaire :

Introduction

I/Anatomie :

1. Au commencement, un rêve d'étudiant

2. Les trois familles de jeux vidéo

3. La mesure du phénomène

II/ Physiologie :

4. Le dixième art

5. Pourquoi tant de passion

6. Les jeux vidéo et les médias

III/ Pathologie :

7. De la violence, du sexe et du racisme

8. Les effets des jeux vidéo sur les enfants

9. Le meilleur des mondes américain

Conclusion : Vers la société de simulation ?

Lexique : savez-vous parler le "jeuvidéo"?

Bibliographie

Index des jeux cités

Extrait :

II, 6 : Les jeux vidéo et les médias

"... les jeux vidéo, loin d'être des ovnis culturels, des programmes venus de nulle part, sont au contraire comme des poissons dans l'eau dans le système des médias. S'ils menacent la télévision dans son règne sur les loisirs domestiques, ils participent à son renouveau. Ils échangent leurs personnages avec la bande dessinée et le cinéma, et s'inspirent étroitement du développement industriel de ce dernier. Ils tissent des liens avec le roman et la presse. Leur développement ests en fait profondément intégré à l'ensemble du système des médias. La psychologue américaine Marsha Kinder va même plus loin en suggérant que les plus grands succès du domaine n'ont pas de véritable existence isolée dans l'esprit de leur public, mais qu'ils font partie d'un système plus vaste, qu'elle nomme un "supersystème". Ce n'est qu'en tant que partie intégrante dans cet ensemble que leurs titres connaissent le succès qui est le leur auprès du public des enfants.

(...)

Baignant dans un univers multimédia, les enfants sont peu attachés aux différences entre les supports. Ils appartiennent à une civilisation de l'intertextualité : ce terme, dont l'auteur attribue la maternité à Julia Kristeva, "signifie dans les recherches contemporaines sur les médias, que tout texte (un film, un article, une émission de télévision, un jeu vidéo) doit être vu avant tout comme un fragment d'un discours culturel plus vaste, et donc doit être lu en relation avec d'autres textes."

Dans cette optique, les traductions-trahisons des films en jeux cessent d'être un problème, et l'on comprend mieux en effet la pérennité de leurs succès commerciaux. Les consommateurs ne cherchent pas du tout de "traduction" ; ni un équivalent du film en jeu, ni un équivalent du jeu en film, mais ils cherchent à poursuivre leur lecture du "supertexte", c'est-à-dire le texte multimédia qui constitue la trame invisible du supersystème. Plongés dans l'univers des Tortues Ninja, les enfants en veulent à la télévision, dans leurs walkman, sur leurs boîtes de corn-flakes, en t-shirt et en jeux vidéo. C'est l'ensemble qui fait sens, et non les parties. dès lors, ces dernières peuvent jouer assez librement les unes par rapport aux autres sans rompre le charme."

La Découverte/Essais, 1993, 228 p.