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Date

Marie-Sabine Roger

10 avril 2007

Née en 1957 à Bordeaux, Marie-Sabine Roger vit dans la région de Nîmes. Elle a écrit environ 90 livres, (des albums, des nouvelles et des romans), dont quatre pour adultes (« Les encombrants » vient de paraître aux édition Thierry Magnier). Son premier livre, « Trois histoires de moutons » parait en septembre 1989 chez Lito. Suivront plusieurs textes courts (édités en particulier chez Epigones), avant que ne paraisse en 1997 son premier roman jeunesse : "Le mystère Esteban ". Parallèlement à son métier d’auteur, elle enseignera en maternelle pendant 10 ans. Aujourd’hui cette mère de trois enfants se consacre entièrement à l’écriture et aime aller à la rencontre de ses lecteurs. Si vous lui demandez à quel animal elle s’identifie, Marie-Sabine Roger vous répondra le chat. C’est peut-être parce qu’elle en a trois et qu’elle espère en devenir un dans une prochaine vie, à moins qu’elle ne partage avec cet animal des traits de caractère. Sans plus attendre, levons un coin du voile sur l’univers de cet auteur prolifique et discrète.


- A part être écrivain ou illustrateur, que rêveriez-vous d'être ?

Dans une de mes prochaines vies, j’aimerais beaucoup être un chat (dans une famille qui aime les chats)

- Où écrivez-vous ? Quel est le lieu qui vous inspire le plus ?

Je ne sais écrire que chez moi.

Tous les lieux sont susceptibles de m’inspirer, tout est question d’état d’esprit. Mais la beauté d’un lieu n’a rien à voir avec l’inspiration qu’il fait naître. J’aime énormément la montagne, et je n’en parle pratiquement jamais dans mes livres. A l’inverse, j’ai situé plusieurs scènes de mes romans dans des gares, des trains, ou des bars, qui ne sont pas mes lieux préférés, loin de là. Mais ce sont des endroits porteurs d’énergie. On se quitte, on s’attend, on se retrouve. On peut y observer de vraies tranches de vie, parfois même des moments forts dont on pressent qu’ils vont vraiment changer le cours des choses, pour quelqu’un.

Je suis fascinée par toutes les histoires possibles qui s’y ébauchent.

Autre exemple : dans mes textes, on retrouve très souvent la mer, l’océan, une rivière, un fleuve, un canal, ce qui est étonnant de la part de quelqu’un (moi) qui a failli se noyer successivement en piscine, en rivière, et en mer.

Cela prouve au moins que je ne suis pas rancunière !...

Mais peut-être est-ce ma façon de rendre à l’eau sa dimension poétique, et de l’apprivoiser ?

- Quel est le sentiment qui vous habite le plus souvent ?

J’ai un peu l’âme slave. J’adore rire et j’adore que l’on me fasse rire, mais je suis également capable de grandes mélancolies. Je suis une passionnée « à froid ». Comme je suis quelqu’un d’assez retenu, qui protège jalousement son jardin secret, les sentiments et les sensations trouvent un exutoire privilégié dans l’écriture, (que je ne considère par ailleurs absolument pas comme une thérapie !...)

- Quel (s) genre(s) de livre(s) vous tombe(nt) des mains ?

Les livres lourds.

- Que redoutiez-vous enfant ?

Comme la plupart des enfants, je suppose : je craignais de perdre mes parents, ou mon frère.

Et aussi de trouver une araignée dans ma chambre.





- Vous arrive-t-il de côtoyer des êtres imaginaires ?

Oui, bien sûr, pourquoi ? Pas vous ?

- Que feriez-vous ou diriez-vous à un ogre s'il vous arrivait d'en croiser un ?

Ah ! Bonne question ! En effet il est indispensable d’avoir en toutes circonstances une répartie appropriée, or je m’aperçois avec angoisse que je ne me suis jamais préparée à l’éventualité d’une rencontre avec un ogre. Je vais donc y réfléchir de toute urgence.

Que lui dire, que lui dire ?...

Certainement pas « bon appétit », en tout cas.

- Qu'avez-vous conservé de l'enfance ?

Ma taille à peu de chose près !...

A part ça, cette année j’arrive à la moitié de ma vie - je fêterai mon cinquantenaire à la fin de l’été! - et je constate que j’ai gardé au fond de moi, presque intacte, la petite fille que j’étais.

C’est certainement cette part innocente et confiante qui m’aura le plus aidée dans la vie, puisqu’elle me donne une faculté de croire et d’espérer quasiment sans limite.




- Selon vous, qu'est-ce qui fait vendre un livre ?

La plupart du temps, c’est l’emballage, hélas.

Les lecteurs se fient trop souvent à des critères faux, ou faussés : les illustrations de couverture, rarement choisies par les auteurs, les titres qui ne sont pas toujours trouvés par eux, les tranches d’âge qui s‘appuient plus sur des critères commerciaux que sur la réalité du texte, et enfin les quatrièmes de couvertures qui ne donnent pas forcément une idée juste du roman ou de l’album.

Lorsque je rencontre des élèves, il m’arrive de leur dire que choisir un texte de cette façon est à peu près aussi logique que d’essayer les boîtes, chez un chausseur, au lieu d’essayer les chaussures.

Je cite en exemple « Matin brun », de Frank Pavloff, qui est un texte que j’aime beaucoup, et qui ne peut pas vraiment compter sur une présentation attractive... Mais ce serait tellement dommage de passer à côté !

Je n’ai pas envie de donner de contre-exemple, chacun d’entre nous est déjà tombé sur un livre vide, habilement servi par une couverture « vendeuse ».

Ceci dit, si vous me demandiez comment faire pour choisir un livre, je ne saurais pas bien vous répondre. Pour choisir, je me fie généralement aux avis que me donnent mes amis, ou des lecteurs de rencontre. Je suis toujours sensible aux coups de coeur, et lorsque j’entends parler d’un livre avec enthousiasme, cela éveille immanquablement ma curiosité.

Les bons livres se vendent surtout par le bouche à oreille. Et c’est tant mieux.

- Quel qualificatif vous colle à la peau ?

J’espère n’en avoir aucun : je déteste les étiquettes et je ne suis pas un bocal.

- Quelle est la meilleure phrase qu'un enfant vous ait dite ?

Un petit garçon m’a demandé un jour « où est-ce que je trouvais mon expiration ».

J’ai soupiré.

- Quelle est votre définition du bonheur ?

Très basique : aimer, et être aimée en retour.


- Si vous aviez la possibilité de recommencer, que changeriez-vous ?

Tout compte fait, pas grand-chose. La vie m’a apporté quelques jolis miracles. Je l’encourage vivement à continuer...

- Enfant, quel genre de lecteur étiez-vous ?

J’étais une lectrice avide et compulsive. Tout à fait du genre à finir les livres avec la veilleuse cachée sous les couvertures, bien après l’heure de l’extinction des feux. J’ai beaucoup lu, j’ai toujours aimé lire. Je n’y ai aucun mérite, c’est une chance que j’ai.

Le fait d’avoir eu quelques soucis de santé, pendant l’enfance, a sans doute favorisé encore davantage ce comportement de lectrice car, dans les moments de calme obligés, c’était le seul vrai dérivatif à l’ennui. Avec la rêverie, évidemment.




- Vis-à-vis de quoi vous sentez-vous impuissante ?


Je me sens impuissante devant la bêtise, surtout lorsqu’elle est violente ou méprisante.

La souffrance m’émeut toujours beaucoup.

Je me sens également très très impuissante en face de quelqu’un qui tente de m’expliquer un trajet (je me perds partout), surtout lorsque ça commence par ce genre de choses : « Au premier stop vous prenez à droite, puis encore à droite et deux fois à gauche, et après le centre commercial vous longez la voix ferrée, et ensuite…».

Ça, ça me donne tout de suite envie de pleurer ! 

- Quel est l'animal auquel vous ressemblez le plus ? Pourquoi ?

Le chat. Je suis frileuse, indépendante, affectueuse et réservée.

Par contre je n’aime pas beaucoup les croquettes.

- Quel est le mot que vous préférez dans la langue française ?

Possible


- Que souhaiteriez-vous que l'on retienne de vous ?

Rien de précis. Ceux qui m’auront aimée se souviendront parfois de moi jusqu’à ce qu’ils partent à leur tour. Cette certitude me suffit amplement.





Vos livres

- Quelle est votre dernière sortie pour la jeunesse ?

En album :

« L’arbre à Kadabras », chez Casterman, avec des illustrations très poétiques, de Vanessa Hié.

« Le soleil de plus près », chez Sarbacane, soutenu par un travail très fort de Géraldine Alibeu (début mai)





En roman :

« L’Odyssée de Dakil le Grand », chez Pocket jeunesse. C’est le troisième Dakil, il entre (avec les deux premiers, réédités et relookés) dans la collection Roman, et s‘adresse aux grands du collège et lycéens, mais sans limite d‘âge ensuite !

- Le(s) livre(s) dans votre production qui vous laisse(nt) un souvenir particulier

Le quatrième soupirail : deux ans d’écriture, mais surtout la découverte de poèmes incroyablement touchants et forts.

C’est un livre qui m’a aidée à grandir.

- Quel est le thème que vous aimez davantage traiter ?

La solitude, la difficulté ou l’impossibilité à communiquer, la fragilité, dans les romans réalistes.

La nuit, le rêve, dans les albums.

- D'où est né votre premier livre/ illustration ?

D’histoires que j’avais envie d’inventer pour mes enfants, encore très jeunes à l’époque.



- Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?

Un recueil de nouvelles pour grands adolescents et adultes, et un gros projet de roman, de l’héroïc fantasy d’un genre un peu particulier, mais chut !

- Où et comment vous voyez-vous dans 10 ans ?

Avec dix ans de plus. Je ne sais pas où, sans doute ailleurs.



Références

Littérature de jeunesse
- Un livre pour la jeunesse qui vous a marqué petite ?

 La petite chèvre de monsieur Seguin. J’ai pleuré des litres.

-Quels sont vos livres "coups de cœur" en littérature de jeunesse ?

« Le bizarre incident du chien pendant la nuit », de Mark Haddon

« La potion magique de Georges Bouillon », de Roald Dahl

« La mort est mon métier », de Robert Merle (c’est un livre « pour adultes » mais je le recommande quand même à tous les lycéens qui veulent réfléchir)


En fait il y en a trop et surtout beaucoup d’auteurs actuels que j’aime, je déteste faire des listes, j’oublie toujours quelqu’un et après je m’en veux.

Lisez, lisez, vous verrez bien vous-même !

Culture
- Un film, une photo/illustration qui vous touche ?

Le fabuleux destin d’Amélie Poulain

Billy Elliot

The Full Monty

The snapper

The van


J’aime les films entre rire et larmes, les films avec des fêlures.

Pareil pour les livres, et pareil pour les gens.




Pour la photo, elle est tirée de mon album personnel. Elle a été prise par ma fille, c’est sa version du bonheur, et je la comprends.

J’y retrouve tout ce que j’aime : le rire, l’espace, la montagne, le soleil, une idée du vertige et de la liberté. Ça me rappelle la balançoire, chez mon grand-père, quand j’étais déjà petite.

Un coup le ciel, un coup la terre, et cette sensation magique de s’envoler mais pas vraiment, d’être en apesanteur.

- Un musicien

Didier Lokwood, je l’ai vu trois fois en concert, je le trouve fabuleux. (Et drôle, ce qui ne gâche rien !)

- Un lieu où vous aimeriez vivre

Un chalet dans le Queyras, mais pas en hiver : je suis trop frileuse. En fait, j’aimerais avoir trois ou quatre lieux différents. Mon nid principal… et des nids secondaires.

- Une phrase (une devise) qui vous guide

Choisir c’est renoncer.

(Ça plombe l’ambiance, hein ?) 

Actualité

- Vos dernières (bonnes) lectures ?

« Le médecin d’Ispahan », de Noah Gordon

« Lignes de faille », de Nancy Huston

« Le combat d’hiver », de Jean-Claude Mourlevat

- Un site (sur les techniques graphiques, un auteur-illustrateur, une approche particulière du texte, de la littérature...) que vous souhaitez recommander ?

A voir : le site de Bruno Pilorget, avec des sculptures et des peintures que je trouve superbes, un aspect de son travail que trop de gens ne connaissent pas. www.bruno-pilorget.com

Auteurs et illustrateurs en lien avec l'interview

Illustration d'auteur

Marie-Sabine Roger

française