Gaëtan Dorémus
Gaëtan Dorémus est né à Lille. Diplômé de l’Ecole supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg en 1999, il travaille à ses débuts principalement pour la presse jeunesse et adulte. En édition jeunesse, on le remarque par ses albums tous différents dont il compose textes et images, mais réalise aussi des images pour d’autres. Il collabore par ailleurs à toutes sortes de projets pour adultes, réalise des affiches et des photographies. En parallèle, il donne des cours d’illustration aux Arts déco de Strasbourg depuis 2003, partage un atelier avec quatre collègues formidables et aime aller à la rencontre de ses lecteurs. Quand il ne créée pas, Gaëtan Dorémus mange des légumes aux noms chantants en hiver, enjambe son deux roues ou s’implique dans le réinvestissement des espaces urbains et publics.
À Elzéar Bouffier, « l'homme qui plantait des arbres » de Giono. Mais le plus souvent à des gens dits ordinaires.
Quelle utopie seriez-vous prêt(e) à défendre ?
Je ne pense pas qu'il nous faille attendre un hypothétique top-départ pour se mettre à « pratiquer » une utopie... J'essaye donc de frotter mes utopies au quotidien, au réel. J'ai lu quelque part que Gébé aurait dit : « L'utopie, il en faut une sacré dose au départ, parce que ça réduit beaucoup à la cuisson ! »
A part être écrivain ou illustrateur, que rêveriez-vous d'être ?
Naturaliste, paysan, batelier, sociologue, journaliste-poète comme Albert Londres, photographe comme Depardon.
Où écrivez-vous ? Quel est le lieu qui vous inspire le plus ?
Je trouve des idées n'importe où et surtout quand je ne cherche rien, plutôt en marchant ou en prenant le train. J'écris et dessine dans mon atelier.
Quel est le sentiment qui vous habite le plus souvent ?
La joie, la contemplation, l'absence. Assez souvent l'indignation, puis viennent l'étourdissement, la colère, mais aussi l'enthousiasme enivrant. Tous ces sentiments se mêlent, la colère constructive ne va pas sans enjouement !
Quel(s) genre(s) de livre(s) vous tombe(nt) des mains ?
Ceux que j'ai l'impression d'avoir déjà lus dès la première page. Ceux dont les premiers mots, le premier trait, me paraissent si lourds que le livre s'écrase sur le sol.
Que redoutiez-vous enfant ?
Que les frites ne soient réservées qu'aux enfants et aux samedis-midi.
Vous arrive-t-il de côtoyer des êtres imaginaires ?
Non, même ce qui barbotte dans nos caboches est bien réel.
Que feriez-vous ou diriez-vous à un ogre s'il vous arrivait d'en croiser un ?
Je lui proposerais un marché : s'il ne me dévore pas, je m'engage à lui offrir toutes mes parts de langue de bœuf jusqu'à la fin de mes jours.
Qu'avez-vous conservé de l'enfance ?
Une naïveté primaire, qui parfois peut m'handicaper, la satisfaction de faire des ricochets sur les rivières, de jouer avec un bâton, se laisser hypnotiser par un feu de bois.
Selon vous, qu'est-ce qui fait vendre un livre ?
Pas mon nom en tout cas. Soit la propagande publicitaire soit la qualité du bouquin associée à la curiosité d'une personne lectrice (cf. question sur l'utopie) ?
Quel qualificatif vous colle à la peau ?
Le qualificatif est collé dans mon dos et je n'ai de ce fait jamais réussi à le voir. J'espère qu'il n'y a rien d'écrit, rien de jamais définitif.
Quelle est la meilleure phrase qu'un enfant vous ait dite ?
Mon petit garçon de 2 ans et demi qui hier m'a dit pour la première fois, alors que j'éternuais : « À tes souhaits! »
Quelle est votre définition du bonheur ?
Un chemin.
Si vous aviez la possibilité de recommencer, que changeriez-vous ?
Très bonne accroche pour un film de Science-Fiction à gros budget, bravo !
Enfant, quel genre de lecteur étiez-vous ?
Un lecteur absorbé : vers 10 ans j'étais si absorbé par une bande dessinée dans un coin de la bibliothèque municipale, que je n'avais pas remarqué que l'heure d'ouverture était dépassée. J'étais enfermé. Heureusement la femme de ménage avait pu me délivrer.
Vis-à-vis de quoi vous sentez-vous impuissant ?
Face à l'individualisme, face à la perversion des esprits qu'entraîne la thune, face aux sourires, aux pleurs, face aux fatalistes, face à la maladie, face à un CRS, face aux guilis, face à une tarte à la rhubarbe.
Quel est l'animal auquel vous ressemblez le plus ? Pourquoi ?
Peut-être à un animal fait de papiers gouachés-découpés, les papiers ne sont pas collés et à tout moment un rien, un souffle, peut le modifier.
Quel est le mot que vous préférez dans la langue française ?
Bicyclette.
Que souhaiteriez-vous que l'on retienne de vous ?
Que j'aurai essayé. Toutes nos vies ne sont que des expériences, des « allez, on verra bien ». De toutes façons c'est pas moi qui décide et je ne me soucie pas de postérité.
Vos livres
Quelle est votre dernière sortie pour la jeunesse ?
Frigo vide, au Seuil jeunesse.
Le(s) livre(s) dans votre production dont vous êtes particulièrement fier ou qui vous laisse(nt) un souvenir particulier ?
J'ai une tendresse particulière pour les livres dont le processus de création a été long ou chaotique, ceux qui ont demandé plusieurs maquettes ou parfois même plusieurs versions entières. Je pense ainsi à Bélisaire ou Plus Tard, que j'ai refaits entièrement, à Il fait nuit qui longtemps est resté dans la pénombre, à Nulle part partout qui a demandé nombre d'ajustements pour arriver au ton juste, ou encore à ça devait arriver qui s'est construit peu à peu. Pour chacun de ces livres, cela a correspondu avec la rencontre d'un éditeur, d'une personne, qui m'a poussé dans une direction franche, à transformer du brouillard en clarté. Du vrai super boulot d'éditeur, quoi ! Que soient donc remerciés ces éditeurs : Olivier Douzou, Brigitte Morel, Christian Demilly et Francesco Pittau !
Quel thème aimez-vous davantage traiter ?
Je tente d'éviter de traiter un sujet comme on dit qu'on règle le compte à quelqu'un. Ne pas bétonner de sens un livre, rester sur une chose centrale, et se concentrer
sur les émotions, laisser du temps, des silences, de la place pour que le lecteur trouve la sienne. J'aime évoquer ces moments de flottement, d'interrogations, de doute, de sentiments mêlés, cette belle complexité.
D'où est né votre premier livre/ illustration ?
« Plus tard » est né de l'envie de montrer sous la forme d'un plan, un peu comme certains dessins enfantins, une histoire et son contexte à la fois. Le in et le off en même temps.
Quel livre en littérature de jeunesse auriez-vous voulu écrire ou réaliser à la place d'un autre ?
Pas très original : « Max et les Maximonstres ». J'aime les livres-mondes.
Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?
Sur un projet photo. Il s'agit d'un album photo-graphique urbain. Parution en janvier 2010 si tout va bien ...
Où et comment vous voyez-vous dans 10 ans ?
Je me vois différent, ailleurs et malgré tout moi-même.
Références
Littérature de jeunesse
Un livre pour la jeunesse qui vous a marqué petit ?
« Le chantier du grand immeuble » de Bruno Le Sourd, éditions du centurion, 1980. On y suit, au fil des saisons la construction d'un immeuble et ses à-côtés.
Quels sont vos auteurs-illustrateurs de référence ou qui pour vous développent une approche intéressante ?
J'essaye de ne pas trop aller voir ce que font les collègues, ce qui m'inspire, c'est plus : la vie, ma vie, les rues, les situations réelles, les expériences humaines, les utopies, les films (Tati, Iosselani, Kaurismaki, Claire Denis), les romans (ah ! Steinbeck, Garcia-Marquez, Calvino !), les essais, la peinture, les bd, des indignations, mes réflexions très profondes sur comment vont les choses. J'aime tout de même nombre de parcours de mes congénères, autant les creuseurs de sillons que les adeptes du coq-à-l'anisme. Donc, en vrac : Olivier Charpentier, Lionel Koechlin, Hélène Riff, Kitty Crowther, Irène Schoch, Lionel Le Néouanic, Fred, Enzo Mari, La tapisserie de Bayeux, André François, Sarah Fanelli, José Parrondo, Roland Topor, Benoit Jacques, Bruno Gibert, Bruno Munari, Katsumi Komagata, Arthur Geisert, Renaud Perrin, Bruno Heitz, Tomi Ungerer, et puis plein, plein d'autres...
Quels sont vos livres "coups de cœur", les "incontournables" en littérature de jeunesse ?
Pezzetino, Matt, Crictor, Après Noël, Je souris toute l'année, Un livre pour toi, L'imaginier, Roland, Du temps, Dans le brouillard de Milan, Moi et rien, Sans
début ni fin...
Culture
Un film, une photo/illustration qui vous touche ?
Le film « J'ai engagé un tueur » de Aki Kaurismaki. Dans un Londres de 1980, un Jean-Pierre Léaud déprimé engage un tueur pour se faire liquider parce qu'il rate tellement tout qu'il rate aussi ses suicides. Mais au café il rencontre l'Amour. Maintenant il ne veut plus mourir, mais le tueur rôde... Loufoque, émouvant, romantique, nostalgique, tragique, coloré et décalé.
Un musicien
Plusieurs :
Ali Farka Touré, Léo Ferré, Pascal Comelade, Carlos Gardel, Silver Mount Zion, Philipp Glass, Will Oldham, Smog, Mendelson, Bob Dylan, Billie Holiday, Nico, les bandes-sons évoluent avec le temps, et j'écoute beaucoup d'émissions de radio où ça parle.
Un lieu où vous aimeriez vivre
Dans « L'an 01 » de Gébé, ou dans le monde de « Sucre de Pastèque » de Richard Brautigan, pour voir...
Une phrase (une devise) qui vous guide
En ce moment, un poème de Brautigan, dans « Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus » :
portrait d'homme
Que ferais-tu
si la pluie
tombait
à l'envers ?
Moi ?
Ouais.
Je m'habituerais
à vivre
sur un nuage,
j'imagine.
Actualité
Vos dernières (bonnes) lectures ?
L'ordre moins le pouvoir de Normand Baillargeon, L'ours, histoire d'un roi déchu de Michel Pastoureau, Les trains vont au purgatoire de Hernán Rivera Letelier.
Un site (sur les techniques graphiques, un auteur-illustrateur, une approche particulière du texte, de la littérature...) que vous souhaitez recommander ?
Le site d'un graphiste que je viens de découvrir, j'aime son exigence, sa manière d'inscrire son activité dans la vie, que ce ne soit pas que du boulot joli et bien fait :
http://www.vincentperrottet.com
et un site qui fout le vertige :
http://www.worldometers.info/fr
http://gaetan.doremus.free.fr