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Le salon de Troyes

Des « coups » pour toucher de nouveaux publics

Paul Dupouey
17 octobre 2008


Emmanuel Saint-Mars, qui est également président de la Fédération des salons et fêtes du livre, est le directeur du Salon du Livre de Jeunesse de Troyes qui figure parmi les importants salons dans ce domaine en régions. La 22ème édition de ce salon s'est close le 13 octobre dernier sur un sentiment général de succès. Un bref point avec lui.

Pourquoi un salon ?

L'idée est née chez deux libraires de Troyes spécialisés en jeunesse, Monique Leborgne et Adeline Tequi, il y a 22 ans, donc des pionnières. Elles avaient constaté qu'elles n'y arrivaient pas comme cela et pas plus que les institutions spécialisées à l'époque encore assez statiques et pas toujours très ouvertes à ce type de littérature. Elles ont décidé de créer un salon avec des rencontres, des débats, des spectacles, des évènements spéciaux etc. Tout ceci est aujourd'hui assez banal mais, en littérature de jeunesse, c'était encore nouveau et il a fallu convaincre. Il y a eu toutefois 1 000 entrées dès la première édition. Nous en sommes aujourd'hui à 40 000 dont 16 800 enfants. C'est une réussite, surtout pour une ville comme la nôtre, de tradition ouvrière.

Quelle est l'ambition ?

L'ambition est toujours celle du départ : trouver de nouvelles médiations entre le livre et le lecteur. Situé en début d'année, il permet aussi de lancer une dynamique qui peut être reprise par les autres acteurs.


Un salon, c'est le moyen de faire des « coups », quitte à ce que ces idées soient, ensuite, reprises par ces milieux. Cette année, par exemple, nous avons créé les « cafés – biberon », des ateliers où des conteurs montrent à des parents comment raconter une histoire à un enfant, quels petits détails peuvent avoir un bel effet. Et puis, pour la première fois, il y a une journée professionnelle qui, elle, restera certainement.


Ces « coups » débordent le salon. Dans l'espace d'abord, puisque nous avons 22 lieux de lecture dans la ville, par exemple le Palais de Justice, où une classe va pouvoir rencontrer un auteur. Dans le temps, aussi, car il y a importante préparation avec l'IUFM de Troyes des enseignants qui vont participer à ces rencontres leurs élèves. Cette préparation a ses résultats : les questions des enfants évoluent depuis quelques années et vont davantage vers le contenu des ouvrages, l'écriture ou l'illustration proprement dits et pas seulement des éléments anecdotiques.

Quelles sont les motivations des visiteurs ?

Indiscutablement, le fait qu'ils ont tout à coup accès à une immense librairie. Il y a aussi, bien sûr, les animations qui permettent notamment de rencontrer les auteurs, les illustrateurs en chair et en os. Plus profondément, le salon est perçu comme un espace de rêve. Et il ne faut pas oublier les parents : le salon est pour eux l'occasion de retrouver leur enfance, parfois de revoir des livres qui les ont touchés à cette période de leur vie.


Et puis il y a tous les visiteurs professionnels, libraires, éducateurs ou autres qui viennent dans le cadre de leur métier.


L'intérêt de Troyes, c'est qu'il y a toute la chaîne du livre des auteurs et illustrateurs aux lecteurs en passant par les éditeurs, imprimeurs, relieurs, diffuseurs et, bien sûr, les libraires, en particulier ceux qui constituent le Groupement d'Intérêt Economique régional chargé de la vente des ouvrages (plus de 26 000 l'année dernière, je n'ai pas encore le chiffre total cette année).



Et la fréquentation ?

Malgré la conjoncture morose, la fréquentation a été au rendez-vous. Nous avons dû refuser de nombreux groupes, près de 8000 enfants. Cela témoigne d'un véritable attachement au livre d'enfant. Nous y avons certainement contribué. Mais c'est le résultat d'un travail en profondeur. Car derrière le salon, il y a tous les projets éducatifs en milieu scolaire ou autre, projets qu'il a souvent conduit à fédérer et dynamiser etc.


Le temps est essentiel pour ce type de manifestations. Il faut leur laisser du temps pour se trouver, pour rencontrer leur public, leurs partenaires. Nous avons construit ce salon pas à pas, par paliers. En développant progressivement les collaborations. Nous avons aussi beaucoup voyagé pour reprendre les idées des autres salons. Nous avons dû apprendre à travailler avec la presse, à la mobiliser autour des auteurs de jeunesse. Il y a encore des milieux à convaincre, y compris parmi d'importants voisins directs avec lesquels la coopération ne s'avère, semble-t-il, pas vraiment possible. Mais il est vrai que nous ne sommes pas des institutionnels, plutôt de saltimbanques.

Opérez-vous une sélection des livres présentés ?

Oui. Je suis très à cheval sur ce point. Je veille à ce que ne soit pas présentés des ouvrages sur la violence, l'inceste, le viol. La littérature jeunesse, c'est apprendre à construire l'enfant. Il y a des thèmes qui appellent un accompagnement plus fort que ne peut l'apporter un salon.


Je n'opère pas ce tri seul mais avec Anne Delhomme, présidente du salon, bibliothécaire aux Enfants malades de l'Aube, et les libraires du GIE.

Vous avez une belle place d'observation du livre de jeunesse, que constatez-vous sur le long terme ?

Il y a des tendances mais ce que je note le plus c'est la qualité. Elle monte manifestement dans la littérature jeunesse. L'écriture s'affine. L'illustration aussi. Etre auteur ou illustrateur (ou éditeur) devient un vrai métier. Un auteur vit de mieux en mieux de son travail compte tenu des évènements comme les animations, dédicaces, rencontres.

Et les nouvelles technologies ?

Elles sont beaucoup moins présentes qu'il y a quelques années où l'on nous prédisait le pire. Dans des domaines comme le scientifique et le technique, c'est vrai qu'elles s'imposent inévitablement, même auprès des enfants. Mais pas dans le livre de jeunesse, surtout le beau livre. Il y a, en plus, un attachement au livre. On ne s'attachera pas autant à un CD Rom, dont on découvre d'ailleurs aujourd'hui qu'il a une durée de vie assez limitée.

Photo 2 : Nicolas Bacri, tous droits réservés