Aleph : ton premier livre

Le titre de cet album, Aleph, et son sous-titre, « ton premier livre » sont une clé de la démarche de Janik Coat. Elle construit à partir d’éléments de base, le rond, l’étoile, le carré, le triangle, et de quelques couleurs, des objets qui organisent le monde du tout-petit. Cet Aleph est une genèse.

À l’origine, il y a les formes et petit à petit ces formes se déforment, prennent du relief, se mettent en mouvement et on passe subrepticement de l’objet à l’émotion et de l’émotion à l’histoire.

C’est ainsi que les premières formes en pleine page deviennent des arbres, des maisons, un couple, un parapluie ou un train. Tout à coup surgissent Popov, l’hippopotame, ou Cyrus, le rhinocéros, personnages familiers de l’univers de l’auteure-illustratrice, à côté d’un loup, d’une sorcière ou d’un tractopelle, éléments fondamentaux d’une grammaire du monde et du récit pour un petit humain naissant. La taille des objets, l’aspect massif des objets isolés sur un fond vide blanc ou noir les saisissent dans une singularité qui en fait des objets-types. La tétine fièrement posée au milieu de la page est d’un réalisme impressionnant, elle voisine avec un poulpe ectoplasmique rose fort peu réaliste. Ainsi d’une page à l’autre, la fantaisie de l’auteure place l’enfant face à son environnement, il peut le reconnaître et s’y sentir bien, ou au contraire face à l’inconnu (le loup, la sorcière) qui interpelle le lecteur et l’introduit dans un univers de fiction.

Comme toujours, cet imagier déplie le monde aux yeux des lecteurs. Entre réalisme et fiction, toute une grammaire culturelle, langagière et poétique peut commencer. Au tout-petit d’en écrire la partition quelques lettres encore, l’alpha et l’oméga y pourvoiront, à lui l’aventure…