Cécile Alix: «La littérature jeunesse est, à mon sens, l’une des premières fenêtres artistiques que l’enfant ouvre sur le monde.»
Cécile Alix, auteure jeunesse, a publié plus de quarante ouvrages pour les grands et les petits. Après 100% bio. Leonardo, aux éditions Poulpe Fictions, elle revient, début octobre, avec 100% bio. Molière vu par une ado. Une nouvelle biographie qui s’annonce riche en humour et en découvertes! Rencontre.
Nathalie Wyss: Pouvez-vous nous raconter vos débuts dans l’écriture?
Cécile Alix: J’avais environ huit ans, des choses à raconter, alors j’ai commencé à les écrire, parce que c’était le moyen d’expression le plus naturel pour moi.
La littérature jeunesse, c’est quoi pour vous?
Une forme de communication, une transmission d’émotions, de savoirs, d’idées, grâce à des choses écrites, destinées aux enfants, de tous les âges, (y-compris les enfants devenus adultes qui continuent à lire de la littérature jeunesse!).
C’est aussi l'illustration, l’image. Dans un album, elle est essentielle, elle est lecture autant que le texte. Elle conserve sa place dans tous les genres: même pour un roman destiné aux ados, le dessin ou la photo de couverture sont importants, ils suscitent l’envie d’ouvrir le livre.
Enfin, la littérature jeunesse est, à mon sens, l’une des premières fenêtres artistiques que l’enfant ouvre sur le monde. Une fenêtre magique qui lui donne le pouvoir de s’enchanter, de réfléchir, de comprendre, d’imaginer…
Quels sont les livres qui ont bercé votre enfance?
En vrac: Le voyage de Gulliver, les livres de la comtesse de Ségur, ceux de Roald Dahl, ceux de la Bibliothèque rose, puis verte, Jules Verne… des BD comme Léonard ou Benoît Brisefer: les lectures d’une enfant des années 70-80. Vers dix-onze ans, je suis «tombée dans les classiques». Le premier texte qui m’a happée, c’était Boule de suif de Maupassant. Même si je ne saisissais pas tout ce que je lisais, j’ai compris que l’émotion d’un lecteur n’était pas seulement provoquée par une histoire, une intrigue, mais aussi grâce à un style. Sacrée découverte et début de mon amour inconditionnel pour le Verbe!
Vous êtes très sollicitée et avez beaucoup de parutions à venir. Comment organisez-vous votre temps de travail?
Avec un calendrier de commandes de textes bien établi, de la rigueur, et un temps, non compté, passé arrimée à l’établi!
Certains de vos romans abordent des sujets délicats, tels que le deuil avec Allô papi ici la Terre ou le harcèlement scolaire avec Six contre un (aux éditions Magnard Jeunesse). Y-a-t-il d’autres thématiques que vous n’avez pas encore traitées et qui vous tiennent à cœur?
L’illettrisme, l’animalité de l’homme, le handicap, la clandestinité, les rapaces, et… Cléopâtre ou Néfertiti!
Vous êtes férue de philosophie et de théâtre. Ces passions influencent-elles vos écrits et vos rencontres en classe?
Sans doute nourrit-on ses textes de ce qui nous nourrit. J’aime l’oralité que m’enseigne le théâtre et la lumineuse liberté que me procure la philosophie.
Peu de théâtre lors des rencontres scolaires, en revanche on me demande souvent d’organiser des débats philo (même en maternelle!). C’est passionnant d’écouter les enfants s’exprimer. Quand je sens qu’ils «piétinent», j’essaie de relancer et stimuler la réflexion et la parole au moyen de projections d’images ou de courtes vidéos, des médias qu’ils apprécient. L’heure passe trop vite, je n’arrive plus à les arrêter!
Si vous étiez une héroïne de littérature, laquelle seriez-vous?
Quand j’étais petite, je rêvais d’être Fifi Brindacier! Encore maintenant, je crois!
L’inspiration vous manque-t-elle parfois? Si oui, que faites-vous pour la faire revenir?
Ça m’arrive. Surtout quand je dois rendre beaucoup de textes en même temps. J’ai l’esprit qui s’affole, c’est la panique et le grand vide. Si une histoire ne vient pas, j’écris un livre qui ne me demande pas d’imagination (un didactique, par exemple) en attendant qu’elle veuille bien surgir dans ma tête. Ça fonctionne à tous les coups!
Comment se déroulent la préparation et la rédaction d’un ouvrage de la série 100% bio?
C’est assez long. Pour Molière, j’ai lu une dizaine de biographies, quelques essais sur le XVIIe siècle et sur certaines œuvres de Molière, etc. Une vingtaine de livres au total. J’ai aussi regardé des films et des reportages qui lui étaient consacrés, écouté des interviews d’acteurs et de metteurs en scène. J’ai également relu ses œuvres complètes (vive La Pléiade!).
Durant ce travail de recherche et de lectures préparatoires, j’ai pris des notes que j’ai relues et vérifiées par la suite grâce à une bio, choisie comme celle de référence (Molière de Roger Duchêne). Enfin j’ai surligné ce que je souhaitais conserver pour mon livre.
Une fois bien imprégnée, j’ai cherché le ton d’Inès, ma narratrice. Sa voix n’a pas été facile à trouver, je restais trop littéraire, trop scolaire… pas assez libre et drôle. Le septième essai a été le bon! Quand l’éditrice m’a dit «tu la tiens», je suis devenue Inès, j’ai raconté ma passion pour Molière (Momo) en oubliant que j’étais Cécile. J’ai aussi beaucoup communiqué avec l’illustratrice, Chadia Loueslati, qui dessinait au fil de l’écriture. Ses dessins miraculeux d’élégance et d’humour m’ont donné encore plus d’énergie.
Pour l’écriture de Leonardo, j’ai procédé de la même façon. Ce fut un gros travail mais également beaucoup d’émotion et de passion… voilà pourquoi ces «bios graphiques» me tiennent particulièrement à cœur!
Pourquoi avoir choisi Leonard De Vinci et Molière? La vie de quels personnages historiques aimeriez-vous encore raconter?
Pour commencer, par goût personnel: j’aime passionnément Leonardo et Molière. Ensuite parce que leur sensibilité me touche. Enfin, pour le génie universel et l’émerveillement du premier et le sens du Verbe et du spectacle du second. Et bien sûr, l’envie de faire connaître leurs existences trépidantes et les humains exceptionnels qu’ils ont été.
J’aimerais raconter la vie d’une femme. J’ai une idée bien précise, mais il est encore un peu tôt pour la dévoiler! J’espère que ce concept de biographies très humoristiques et très illustrées (il y a même de la BD) va plaire aux lecteurs, ce sont eux qui permettront à la collection de continuer à exister!
Pouvez-vous nous parler de vos projets à venir?
S’annoncent pour les mois à venir, chez Magnard Jeunesse, une collection d’albums autour des émotions, pour les petits à partir de 3 ans. Avec des histoires rigolotes, des jeux de relaxation et surtout les illustrations craquantes de Claire Frossard!
Pour Poulpe Fictions, j’écris un roman d’aventure et de suspense terrifiant dont la vedette sera… un hamster.
Pour L’Elan vert, je suis sur une autre série historique mais pleine d’humour et un album de contes, illustrés par des œuvres l’art.
Je me lance aussi dans la BD pour la presse (à découvrir en janvier)… Et toujours ma petite série Zizanie au zoo chez Hachette avec d’autres aventures, plus quelques surprises qui vont mijoter jusqu’au printemps!