Les amours d'un fantôme en temps de guerre

Ce n’est pas la première fois que Nicolas de Crécy met en scène un fantôme mais il le laisse ici assumer le « je » de son ouvrage. Brutalement orphelin, un bébé spectre est pris en charge par un parent, Boris, et une jeune ectoplasme, Lily. Il se retrouve au milieu d’un groupe de Résistants menant la vie dure aux Fantômes Acides, sordides personnages qui ont pris le contrôle du monde des revenants. Nous sommes au début des années 1930, et Boris s’inquiète : historiquement, ce qui se passe chez les fantômes précède ce qui se passe chez les humains…

Génial roman illustré, Les amours d’un fantôme en temps de guerre concilie aventure intime et grande Histoire dans une tonalité fantastique à l’inventivité rare. Le lecteur s’attache au petit héros comme s’il était un jeune garçon vivant, tout en cherchant les traces d’une Seconde Guerre mondiale transposée avec imagination chez ces Fantôme Acides. On reconnaît Goebbels, De Gaulle, et puis Anne Frank… On se reposera à peine lors d’une halte muséale finement dressée, et les camps d’extermination feront frémir. Capable de sentiments forts malgré son caractère évaporé, le narrateur recomposera sa vie au fil des décennies. Jusqu’à aujourd’hui, où il s’inquiète du retour des Fantômes Acides : Nicolas de Crécy nous aura prévenus à sa manière toute artistique, en phrases à la neutralité souple et en larges aquarelles. Impressionnant.