Jungle

Des verts flashants, un orange vif composent la couverture de l’album Jungle. Le titre écrit en lettres découpées électrise l’image où se dissimule un regard inquiet…

En tournant la page, la magie opère. Un vol d’oiseaux s’élance de la végétation foisonnante et finement découpée car on s’aperçoit alors qu’il s’agit d’un livre animé. Nous sommes dans l’envers du décor. Le narrateur éveille le monde, le possessif « mon île » exprime qu’il est maître en son royaume. Des présences peuplent ce réveil. « Deux yeux mystérieux », dissimulés derrière des feuillages, sont ENORMES, format démultiplié du regard de la couverture. Lors de sa progression, le narrateur imagine les animaux qu’il dérange et auxquels l’illustration donne forme. Un décor se déploie comme le fond de scène d’un théâtre, on voit le crocodile orange guetter un papillon, une grenouillé aux gros yeux – celle de la page précédente ? – se tenir à l’écart du ruisseau, de grosses empreintes, un ours ?, s’imprimer dans le sol.

Tableau suivant, le ruisseau devenu rivière « se mue en une majestueuse cascade » et nous livre une clé du récit : l’aventure rêvée est la transmutation du réel. La cascade se dresse en fond de tableau, elle ruisselle dans la page, « le roi de la jungle se penche ».  Le tigre, roi de la jungle se dissimule dans les hautes herbes du dernier tableau. « C’est ici que tout commence » , derniers mots de l’album… Espace ouvert à l’imagination et à la parole du lecteur, cet album sans histoire est un écrin somptueux qui transforme un réel modeste, un ruisseau, quelques animaux, haussé à la dimension de jungle ! Au lecteur, démiurge, d’inventer son histoire permise par ce luxuriant décor...