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Max Ducos: «Je n’essaie pas de coller à un modèle.»

Emilija Cirjanic
9 janvier 2019

Max Ducos est peintre et créateur d’albums jeunesse. Ses livres sont reconnus et appréciés, tant par les enfants que par les prescripteurs. A l’occasion de la parution de son dernier ouvrage, Le fossile (éditions Sarbacane), Ricochet a sorti pelle, pioche et brosse pour une fouille minutieuse de l’univers artistique de Max Ducos. Rencontre.


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Emilija Cirjanic: Max Ducos, après avoir suivi une formation d’illustrateur, comment en êtes-vous venu au livre jeunesse?
Max Ducos:
J’avais envie, pendant mes études, de travailler sur des projets maîtrisables intégralement sans faire appel à des tierces personnes. L’illustration me paraissait répondre à ces critères. Je voulais que mon premier livre soit un hommage à l’architecture moderne, car il n’y avait rien à l’époque sur ce thème-là. Je cherchais aussi un peu la reconnaissance du père, à défaut d’être devenu architecte comme lui…

Du coup, mon projet de diplôme Jeu de piste à Volubilis a eu la chance d’être publié par un des membres du jury qui se trouvait être le directeur des éditions Sarbacane. Une collaboration a ainsi commencé. Je suis en train de réaliser mon neuvième livre à leurs côtés.

Jeu de piste à Volubilis
«Jeu de piste à Volubilis», de Max Ducos (© éditions Sarbacane)

En tant qu’auteur et illustrateur, comment se développent vos projets? Par où commencez-vous lorsque vous vous lancez dans la création d’un nouveau livre?
Il y a une idée qui me reste en tête pendant des mois, un point de départ. Cette idée se précise, arrive à maturité et un jour doit sortir. Je me dis: «Ce serait trop dommage de ne pas le faire». Du coup, je me lance dans un premier jet qui peut être un texte, une maquette, une image. Ce premier jet va concrétiser mon idée et je peux alors commencer à en parler à l’éditeur.

Vos livres font régulièrement référence à des éléments culturels. Ainsi, l’album L’ange disparu, dont l’histoire se déroule dans un musée, intègre un nombre impressionnant d’œuvres emblématiques de l’histoire de l’art. Comment avez-vous choisi les tableaux que vous avez reproduits? Avez-vous rencontré des difficultés particulières lors de ce procédé?
J’ai choisi des tableaux qui incarnaient bien les périodes esthétiques qu’ils représentaient pour que ce soit clair pour l’enfant lecteur. C’était ceux-là, mais ça aurait pu en être d’autres. J’ai repeint les œuvres simplement, pour qu’elles s’intègrent bien dans les illustrations. Il fallait aussi qu’elles collent à l’histoire. Je n’ai pas hésité à changer les proportions de certains tableaux comme La chasse aux papillons de Berthe Morisot qui en vrai est très petit.

Les difficultés ont concerné les tableaux du XXe siècle, non libres de droits. Il a fallu les détourner, les modifier légèrement et ne pas citer le nom des artistes. Sauf Picasso: l’éditeur a payé des droits pour l’utilisation du nom dans le texte et la copie du portrait La femme qui pleure.

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«L'ange disparu», de Max Ducos (© éditions Sarbacane)

Les protagonistes de vos récits sont souvent dépeints comme étant des enfants désintéressés par l'école au début de leur aventure (c’est notamment le cas d’Eloi, dans L’ange disparu, et d’Achille dans Le Royaume de Minuit). Est-ce, pour vous, un moyen d’ouvrir une discussion pédagogique tout en sortant du cadre scolaire? 
Je ne veux pas que mes livres soient didactiques ou pédagogiques, mais je veux qu’ils contiennent un savoir qui dépasse et intrigue l’enfant lecteur. J’aime que ce soit riche. Mais, au-delà des références, l’histoire passe toujours au premier plan. J’étais moi-même un mauvais élève et j’en rencontre beaucoup dans les classes. Curieusement, ce sont souvent eux qui aiment le dessin, les histoires, et qui ont le plus d’imagination. Ces élèves seraient beaucoup plus à l’aise si on leur demandait d’étudier des images, plutôt que des textes. Les images ont une importance écrasante dans notre société, mais on les étudie très peu à l’école… on pourrait en parler!

A ce propos, quel type d’écolier étiez-vous? Plutôt premier de la classe ou cancre au bonnet d’âne?
Parmi les deux propositions, ce serait plutôt la deuxième (rires!). Je me souviens avoir été en tête de classe vers le CP, puis les choses se sont gâtées. Mes notes se sont effondrées à partir du CM1, (à cause d’une vieille remplaçante qui m’avait pris en grippe) et je suis resté en queue de classe jusqu’au lycée. J’étais un élève un peu décalé, j’essayais d’écouter, je m’intéressais autant que je pouvais, mais j’avais parfois du mal.
Je me suis donc réfugié dans le dessin, la BD, puis la peinture. Un redoublement, puis j’ai eu mon bac. En fac d’art plastique, j’ai commencé à m’épanouir à nouveau, jusqu’aux Arts déco où je me sentais beaucoup plus à ma place.

Les décors de vos ouvrages semblent tenir une place aussi importante que l’histoire elle-même. Comment choisissez-vous le lieu dans lequel va se dérouler une aventure?
Je me demande quel lieu j’ai envie de dessiner. Dans un livre jeunesse, il y a souvent de grandes illustrations, donc le décor est important. Quitte à passer des heures sur ce décor, autant être bien inspiré. J’aime l’idée d’un lieu dans un album. Un lieu vaste, qui prend bien la lumière et que l’enfant peut explorer, tant l’enfant lecteur, que l’enfant héros. Il faut que ce soit un chouette terrain de jeux pour que les enfants se projettent, mais aussi un lieu réalisable en peinture avec beaucoup de détails justifiés, mais pas de fioritures stylistiques.

Je fais souvent des maquettes de mes décors, tirés de voyages ou de découvertes que j’ai pu faire. J’attache de l’importance à la lumière, et je favorise un langage d’illustration simple, coloré et lisible au service du texte, qui fait prévaloir l’iconographie devant l’art plastique. Je me base beaucoup sur ce que j’aimais quand j’étais enfant.

Vos récits se suivent mais ne se ressemblent pas. Peut-on y voir une volonté de vous mettre constamment au défi? Lequel de vos livres a d’ailleurs représenté le plus grand challenge pour vous et pourquoi?
Oui, j’aime me réinventer même si je trouve que mes livres ont parfois quelques similitudes.

Dans mes grands albums, je fais varier mes histoires en gardant le lieu comme élément principal. Je creuse également la question du rapport de mes personnages à la réalité et au rêve, j’explore la collaboration qui se noue entre eux, leurs parcours initiatiques, les thématiques de la créativité, du dépassement de soi, etc.
Le plus grand challenge a peut-être été Le Royaume de Minuit, car c’est un livre qui se passe la nuit et qui contient beaucoup d’images complexes. Je venais de vivre une période très difficile de ma vie, avec le décès d’un de mes frères. Il fallait que je m’oublie dans quelque chose, dans un projet de quelques mois. Le Royaume de Minuit, qui est sombre et qui parle du malaise d’un enfant en quête d’identité et de repère paternel, m’a aidé à occuper mon esprit durant cette période difficile.
Dans le prochain album, il s’agira d’un huis clos sur un rocher au milieu de l’océan, à la croisée de deux mondes. Il y aura une dimension épique qui rendra hommage aux grands films d’aventure et à la question de l’entrée dans un monde parallèle, comme dans Alice, Peter Pan ou Narnia.

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«Le Royaume de Minuit», de Max Ducos (© éditions Sarbacane)

Le fossile est récemment paru aux éditions Sarbacane. Comme son titre le suggère, ce livre décrit le métier de paléontologue, de la découverte d’un fossile à la reconstitution d’un squelette en musée. Comment se sont déroulées vos recherches pour la préparation de cet album?
Lors d’une exposition au centre Arc en rêve de Bordeaux, j’ai flashé sur une maquette d’archi dont le sol était fait en couches de papiers de différentes tailles. J’ai eu l’idée d’un livre en strates et j’ai rapidement pensé à la paléontologie. Les premières maquettes datent de 2014. Il n’y avait pas le pop-up de la fin. Le projet était plus radical, plus minimaliste. Je l’ai laissé mûrir pendant trois ans avant de le reprendre et de l’aboutir. Parfois, il faut du temps pour qu’un projet plastique prenne une réalité éditoriale.

Bien qu'il fascine les petits comme les grands, le monde des dinosaures est rarement abordé d’un point de vue scientifique dans la littérature jeunesse. Qu’est-ce qui vous a incité à vous lancer dans ce projet? S’agissait-il d’un univers qui vous captivait également étant enfant?
Oui, quand j’étais enfant, j’étais fan de dinosaures, évidemment. Aujourd’hui j’adore creuser pour trouver des trésors sous terre, notamment avec mon frère Eloi. Mais dans Le fossile, j’ai aimé parler de la relation entre le plat et le relief et surtout faire participer l’enfant lecteur aux recherches. C’est lui qui, en tournant les pages, donne le rythme à la fouille. C’était aussi important qu’au-delà du travail sur l’objet-livre, il y ait un travail sur le texte, avec un enfant à travers lequel on puisse s’identifier.

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«Le fossile», de Max Ducos (© éditions Sarbacane)

Ouvrage tout en dimensions, Le fossile comporte notamment un «pop-up» final. Peut-on s’attendre à voir vos futurs ouvrages non plus seulement varier dans leur contenu, mais aussi dans leur forme?
Oui, j’ai d’autres idées de livres-objets que j’ai envie de creuser, mais je veux aussi continuer à honorer les lecteurs qui sont attachés à mes livres classiques, je ferai donc les deux.
J’aime suivre l’inspiration, je suis comme ça. Parfois l’inspiration se présente sous la forme d’un récit, avec des personnages, une atmosphère et parfois l’inspiration arrive sous forme de concepts de livres-objets, bien différents de mes premiers albums. Je fais aussi de la peinture, parfois un peu de BD. Je pense que c’est cette variété d’activités, qui peut paraître contradictoire pour certains, qui fait aussi ma spécificité. Je n’essaie pas de coller à un modèle. Je suis comme ça.

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«Le fossile», de Max Ducos (© éditions Sarbacane)

 

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