Émilie Seron ou l’illustration subtile
Lauréate d’une Bourse de la Fédération Wallonie-Bruxelles en langues régionales endogènes en 2014, Émilie Seron a illustré un album traduit en plusieurs langues régionales qui vient de sortir cet automne chez Noir Dessin Production. En 2018, elle avait publié chez Pastel un Riquipouce original, fruit d’une belle collaboration avec l’auteur Ludovic Flamant pour le texte.
Lauréate d’une Bourse de la Fédération Wallonie-Bruxelles en langues régionales endogènes en 2014, Émilie Seron a illustré un album traduit en plusieurs langues régionales qui vient de sortir cet automne chez Noir Dessin Production. En 2018, elle avait publié chez Pastel un Riquipouce original, fruit d’une belle collaboration avec l’auteur Ludovic Flamant pour le texte.
Cet article a initialement été publié dans la revue belge Lectures.Cultures (n°16, janvier-février 2020). Nous reproduisons ici le texte de l'article avec l'aimable autorisation de son auteure, Isabelle Decuyper, et de Lectures.Cultures.
Émilie Seron, qui êtes-vous? Quel est votre parcours?
Petite, j’ai fréquenté Clair-Vivre à Evere, une école à pédagogie Freinet où je dessinais déjà tout le temps. Ma maman a fondé la librairie Le Rat conteur; c’est dire que j’ai baigné dans les livres pour enfants dès mon plus jeune âge. Cela m’a amenée naturellement à choisir des études d’illustration à Saint-Luc à Bruxelles, complétées par une formation à la gravure à l’Académie d’Uccle.
Comment en êtes-vous arrivée à publier des albums jeunesse?
C’était une des possibilités qu’offrait mon parcours. J’ai eu la chance de commencer mon parcours professionnel avec l’éditrice Patricia Emsens et les défuntes Éditions du Pépin où j’ai pu me familiariser avec toutes les étapes de la confection d’un livre.
Mes deux premiers livres, La trop sage Lucie Biquette[1], avec un texte de ma sœur Éléonore, et Derrière la Haie[2], avec un texte de Ludovic Flamant, ont été réalisés et publiés avec elle.
Le suivant, Louis-des-Sangliers[3], a été réalisé avec l’éditrice Christiane Germain et publié chez Pastel. Une belle collaboration se poursuivait avec Ludovic Flamant. Odile Josselin, qui succéda à Christiane Germain chez Pastel, a déjà assuré l’édition de cinq livres[4].
J’ai aussi illustré un livre chez Casterman, Le Loup de minuit[5], et deux romans pour adolescents[6]. Parallèlement, j’ai développé un travail en gravure en m’inspirant de nouvelles fantastiques pour adultes. Pendant plusieurs années, j’ai aussi illustré de nombreux articles de société pour Victoire, le magazine en supplément du Soir (2006-2016).
Des influences?
Plusieurs auteurs m’ont marquée dans l’enfance: Tomi Ungerer, Maurice Sendak, William Steig, Arnold Lobel. J’ai été très frappée par des albums comme Crasse-Tignasse, les Contes d’Ionesco, illustrés par Nicole Claveloux. J’ai adoré l’émission Téléchat et son humour particulier.
Plus tard, j’ai découvert Kitty Crowther, Tove Janssen et les Moomins, Étienne Beck, Anne Brouillard et l’univers des Chintiens et des artistes russes plus anciens: Elisabeth Ivanovsky et Fiodor Rojankovsky. Dans un registre plus adulte, le travail d’Amanda Vähämäki et Olivier Schrauwen me touche beaucoup. En peinture, j’apprécie les primitifs flamands et italiens, Bosch, mais aussi William Blake, James Ensor. Je m’inspire de littérature fantastique: Jean Ray, Ghelderode, Henry James, Guy de Maupassant et Edgar Allan Poe.
Côté technique?
Je me sers souvent d’objets, notamment d’anciens jouets ou objets chinés sur les brocantes que je redessine et qui deviennent des personnages. Par exemple, dans Rosalie et l’homme au rocher, l’homme-grenouille est inspiré d’une marionnette trouvée à Prague. Et j’utilise aussi beaucoup de photos de différentes provenances: archives, cartes postales, photos de famille, internet, etc. Je dessine souvent à partir de plusieurs sources. Cette façon de faire est venue petit à petit. Pour les albums, j’ai travaillé à l’encre de Chine, à l’écoline et à l’aquarelle, mélangeant les trois techniques. Pour d’autres projets, il m’arrive d’utiliser des crayons de couleur, de la peinture à l’huile, ou de passer par la gravure…
Quelques albums à découvrir?
Je commencerais par Alors je m’en vais, réalisé avec ma sœur. C’est l’histoire d’une petite fille qui, à l’arrivée de son petit frère, s’échappe dans sa forêt imaginaire, un refuge dont elle ressortira grandie… Nous avions déjà travaillé ensemble sur notre tout premier album, La trop sage Lucie Biquette (et Aloïs une petite plaquette du WBI qui traitait de la maladie d’Alzheimer, parue à l’occasion de la Fureur de lire).
Pour Rosalie et l’arbre au rocher, j’ai aussi écrit l’histoire. Cet album est né suite à une formation en anthropologie qui m’a amenée à effectuer un travail sur les guérisseurs wallons. Dans le cadre de cette recherche, j’ai rencontré plusieurs guérisseurs dans différentes parties de Wallonie et particulièrement dans les Fagnes dont le paysage et les conversations que j’ai pu avoir ont inspiré l’album. Cette recherche m’a également amenée à collecter beaucoup d’histoires et à lire des almanachs, récits, recueils de légendes…
Ces récits souvent très imagés étaient rythmés par le passage du temps. Les images qui me venaient en les lisant m’ont donné l’envie d’en faire quelque chose. C’est comme ça qu’est né le projet d’un calendrier perpétuel tiré à 1.000 exemplaires, publié en autoédition, qu’on peut encore trouver dans les bonnes librairies de Bruxelles.
Puis, j’ai reçu l’appel à projets pour l’obtention d’une bourse en langues endogènes de la FWB, que j’ai obtenue. Je trouvais intéressant que ces histoires wallonnes retrouvent leur langue d’origine. Le calendrier a fait l’objet d’une certaine adaptation afin qu’il puisse devenir un livre.
Au long des jours et des saisons / Å long dès djoûs èt dès såhons[7] (wallon de Charleroi / français): c’est un livre qui part à la découverte des traditions de la Wallonie. Carnavals, galette des mages, fête des moissons… se succèdent, au fil des jours et des saisons de janvier à décembre. Il présente une série de haïkus[8] qui ont été conçus en wallon de Charleroi par Jean-Luc Fauconnier (auteur d’études sur la langue wallonne, de traductions, ainsi que de récits et de poèmes en wallon de la région de Charleroi) et adaptés dans quatre variétés: en wallon des régions de Liège, de Namur et de Bastogne, ainsi qu’en picard borain. Un bon contact s’est établi entre nous et a permis la naissance de ces livres écrits en deux langues, en wallon et en français. La version française a été réécrite par le poète Werner Lambersy.
Riquipouce: il s’agit de mon dernier album jeunesse, en collaboration avec Ludovic Flamant, paru chez Pastel en 2018. Quelle aventure que celle de Riquipouce, le tout petit, le minuscule enfant tant attendu par sa mère! «Tu m’as voulu, me voici, lui déclare-t-il. Et maintenant, je veux sortir explorer le monde!» De la taille d’un pouce, Riquipouce n’a peur de rien. Ni de la poule ni de l’ours. «Le monde est à moi!» dit-il.
Je nourrissais l’envie de travailler autour du thème de la métamorphose. J’avais commencé à illustrer plusieurs contes sur le thème de mon côté. C’est en montrant ces dessins à Ludovic Flamant que l’idée du livre est arrivée. Lui qui a suivi une formation au conte au Rouge Cloître a alors proposé un texte en s’inspirant de plusieurs versions de Tom Pouce, y mêlant également l’histoire des Trois Ours et les adaptant aux exigences de l’album. Comme chaque fois chez Pastel, le livre s’est construit en dialogue avec Odile Josselin. C’est vraiment intéressant d’avoir cette réflexion à trois: auteur, illustrateur et éditeur.
Et de nombreuses animations?
Oui, depuis une quinzaine d’années, je crée et anime des ateliers pour enfants et/ou pour adultes, dans différents contextes. J’ai d’abord donné des ateliers pour adultes dans une association, La Gaumette, à Uccle et en Gaume en été. En ce moment, j’anime des ateliers parents-enfants aux Ateliers du Temps libre à Wolubilis à Woluwé. J’anime aussi ponctuellement des ateliers en collaboration avec des lieux culturels (comme La Montagne magique, La Roseraie…) et dans des écoles et des bibliothèques.
Des projets à venir?
Oui j’ai différents projets en route, notamment un texte né d’un atelier d’écriture avec Thomas Lavachery et je travaille sur de nouveaux dessins qui explorent des univers de science-fiction pour un possible prochain album.
Infos:
[email protected]
http://emilieseron.com
[1] Le Pépin, 2004.
[2] Le Pépin, 2005.
[3] L’École des loisirs, Pastel, 2007.
[4] Le Cadeau secret (texte de Mélanie Edwards), Pastel, 2010; Alors, je m’en vais (texte d’Éléonore Seron), Pastel, 2012; Rosalie et l’arbre au rocher, Pastel, 2014; Les Bottes de Petit Jo (texte de Marie-Christine Hendrickx), Pastel, 2017 et Riquipouce (texte de Ludovic Flamant), Pastel, 2018.
[5] (Texte d’Émilie Soleil), 2012.
[6] Chaka Zoulou, fils du ciel (texte de Lilyan Kesteloot), Casterman, 2010 et Les Enfants du Dieu-Soleil (textes d’Odile Weulersse, Casterman, coll. «Épopée», 2011.
[7] Noir Dessin Production, coll. «Les bab’lutes», 2019, www.noirdessin.be.
[8] Poème classique japonais de 17 syllabes réparties en trois vers (5,7,5).