La fée sous mon lit

L’univers de Rosalinde Bonnet, dans lequel elle entraîne ses lecteurs, est un monde enchanté : dans cette aventure-ci, les personnages les plus fantastiques, les plus fantaisistes s'invitent dans la chambre, le bureau de maman, le jardin et jusque dans le bain du soir. Inspirée par les contes et l’imaginaire de l’enfance, l'auteure qui a elle-même quelques airs de Mélusine, la fée de Brocéliande, intercède par son art pour que l’accueil y soit le meilleur.

Petit à petit, l’illustratrice construit son œuvre en français mais aussi en anglais : il est vrai que l’enchantement du quotidien est un thème prisé dans la littérature enfantine anglo-saxonne, comme chez Maurice Sendak, ou Helen Oxenbury, pour ne citer qu’eux. Mais c’est bien en français, et chez un spécialiste de la petite enfance, que paraît ce délicieux album. « La vie est un rêve éveillé… » semble nous dire Rosalinde Bonnet.

Un petit garçon accepte de remplacer pour la journée la fée, sa voisine de lit (étage inférieur, le monstre habituel préférant la salle à manger), car elle est un peu malade ce jour-là ; il va donc à sa façon exaucer les souhaits des autres résidents, tous aussi étranges que sympathiques. Il y a là des êtres de mauvaise réputation : l’ombre du placard, le monstre sous la table, le dragon ou les pirates, mais aussi des personnages plus positifs, comme la licorne, le roi de la forêt, ou la sirène du bassin. Dans l’album au format à l’italienne, l’auteure et illustratrice utilise toute la double-page pour dessiner avec précision décor et personnages. Chaque nouvel épisode est ainsi l’occasion d’évoquer un moment et un environnement qui correspondent au compagnon de l’enfant à cet instant de la journée ; et cerise sur le gâteau, cette progression chronologique est augmentée grâce à l’insertion d’un « flap » à l’intersection des deux pages qui, côté face, s’intègre à la situation problème et, côté pile, présente sa résolution par l’ingénieux petit garçon, fin connaisseur des nécessités fantastiques. Les deux scènes sont parfaitement raccord, comme ce rideau écarlate qui devient en un flap la cape élégante de l’ombre du placard. Cette malicieuse astuce ajoute à la magie de l’histoire tout en l’agrémentant de quelques pincées de poésie et d’humour ; ainsi le roi de la forêt peut-il se réfugier dans un lumineux palais d’ambre et de rubis, blotti sous le vieux chêne, et le bain du dragon tourne-t-il à l’inondation. Le trait fin de Rosalinde Bonnet joue avec les contrastes d’un monde en noir et blanc où la couleur ne s’affiche jamais au hasard dans le décor, mais comme un élément indispensable du jeu.

Monstre et pirates, dragon ou sirène, tous et toutes profitent dans cette histoire d’une véritable réhabilitation, car ils sont les compagnons de vie de cet enfant solitaire. Grâce à son imagination, le petit garçon va vivre et faire vivre aux lecteurs et lectrices une journée extraordinaire, que la bienveillance de ses parents enveloppe d’une chaleureuse atmosphère. La magie d’une enfance libre, nourrie de livres, ouverte sur la nature et protégée par l’amour des parents est ici au cœur de l’histoire.

Pour mieux connaître le travail de cette auteure pleine de finesse, rendez-vous sur son site où ses albums sont assortis d’une page de coloriages, recettes et jeux, avec un lien vers son compte Instagram tout aussi fourni.