Imagier du vivant

Voici un imagier tout droit sorti du bestiaire ou des souvenirs personnels de l’artiste peintre Martin Jarrie, qui n’a jamais boudé ni sous-estimé l’illustration, bibliographie à l’appui.

Dans cet album très grand format, les fonds sont peints, unis et bien empâtés, de quoi donner de l’épaisseur au sujet et de l’appétit au lecteur. Les motifs se détachent comme surgissant, tel ce joli rouge-gorge et la pomme rouge et brillante qui l’accompagne. Point d’ordre quel qu’il soit, point de classement, pas d’échelle non plus : la cosse de petit pois est aussi longue que la tortue qui lui fait face, et toutes deux partagent le même vert puissant, acide. Il s'agit plutôt d'un cheminement dans la découverte du réel : le lièvre marche avec la carotte, fraîche et juteuse ; la vache orange, qui entraîne le lecteur dans la balade, et le cerf occupent quant à eux la double page, campés en majesté, comme plus loin le maquereau à l’œil malicieux, souriant dans tout ce bleu. Le chien, le chat, la poire fermée et puis ouverte, chair granuleuse offerte, la tulipe et l’oignon qui partagent la même pourpre violacée, le renard après le coq, le prédateur après sa proie. Et une belle noix, qui nous fera chanter tout aussitôt avec Charles Trenet :

« Une noix,
Qui y-a-t-il à l’intérieur d’une noix ?
Qu’est-ce qu’on y voit
Quand elle est ouverte ? »

On l’a compris, tout est affaire de langage dans cet imagier sélectif. Le choix fait causer et même chanter, et tous ces mots permettent l’échange de connaissances entre lecteurs, entre grands et petits peut-être aussi.

Un très joli moment de feuilletage, page après page, d’une œuvre picturale remarquable et d’une présentation naturaliste qui nous suggère de retrouver quelques références d’autrefois. Un ouvrage qu’on gardera dans son cœur.