C'est foutu ou pas ?

Le catalogue de la maison Calicot s’étoffe de romans et d’essais qui donnent envie de découvrir le travail de ce petit éditeur engagé. Commencer par ce dernier opus de Philippe Godard est une bonne façon de réagir à l’àquoibonisme qui nous guette en ces temps d’un confinement qui nous confit… dans l’individualisme.

Dans cette diatribe contre l’égoïsme, l’auteur égrène en neuf chapitres l’histoire de l’influence de l’Homme sur son environnement et ses conséquences : trou dans la couche d’ozone, réchauffement climatique, atteintes fatales à la biodiversité, rapprochements problématiques avec la nature sauvage, etc. En bref, on est foutus ! Ou pas ? interroge malicieusement l’auteur qui s’est spécialisé dans l’éveil des jeunes consciences à la réflexion autonome.  

Car si survivalisme et collapsologie ont le vent en poupe et que leurs prédicateurs excellent à semer la peur et l’intolérance, l’idée que les hommes et la nature ont des destins liés est défendue depuis longtemps par quelques lanceurs d’alerte avant l’heure. Devenue une idéologie développée par ceux qu’on nomme les « écologistes », cette idée est aujourd’hui un projet de civilisation investi par d’autres courants de pensée. Philippe Godard revient sur cette évolution, le rapport du Club de Rome intitulé Les limites à la croissance, la prise de parole de René Dumont en France dans les années 70, et le discours d’une petite fille de douze ans, Severn Suzuki, lors du Sommet de la Terre au Brésil en 1992 : leur parole autrefois marginale a toutefois nourri quelques initiatives disséminées de par le monde ; elles ont essaimé jusqu’à aujourd’hui pour devenir une idée forte des projets d’avenir de bon nombre de jeunes gens, à qui il manque parfois des arguments et un angle d’attaque pour se lancer. Car, écrit Philippe Godard, les constats sont faits, les solutions sont avancées, il n’est que de forcer la politique mondiale à s’engager sans plus tarder dans la brèche qui s’élargit peu à peu grâce à ces engagés, ces enragés de la lutte pour le futur de la Terre et des hommes. Dommage que Philippe Godard n’explore pas aussi ces pistes-là pour ses jeunes lecteurs. Certains, les preppers, ont déjà dépassé le propos de l’auteur en imaginant un modèle de survie solidaire ; d’autres rénovent le concept communautaire et explorent dans des Zones à défendre ou des espaces désertés des modes de vie en harmonie avec leur environnement, pas toujours tolérés par leur entourage.

Mais faudra-t-il pour autant revenir à la planche à laver de nos arrière-grands-mères, au lavoir, au linge du mois empilé sur la brouette, comme semble le préconiser l’auteur lorsqu’il se risque à proposer un retour à un mode de vie « simple » en guise d’évolution ? Osons espérer que ce ne sont pas les femmes qui feront les frais de l’abandon des outils techniques qui symbolisent malheureusement la course à la production et la civilisation de la consommation.

Un petit ouvrage d’un niveau de lecture accessible dès l’adolescence, qui devrait permettre d’y réfléchir et donner de l’élan aux acteurs citoyens d’aujourd’hui pour s’engager à leur tour et réinventer le monde.