Moi aussi je sais voler

Billy et Lydia vont au même lycée partagé entre deux villes rivales des États-Unis : Rome et Carthage. Rome est célèbre pour avoir abrité l’enfance d’une rock-star torturée, dont Billy est le neveu méconnu. Carthage est le lieu de l’action d’une série de fantasy à succès, Licornes contre dragons.

Il n’empêche qu’il s’agit bien d’un trou paumé, envahi par le brouillard et à l’économie abandonnée par le frivole roi d’Amérique. Orphelin, Billy souffre d’un manque de confiance en lui soigneusement entretenu par sa grand-mère, et Lydia rêve de danse derrière le bar glauque tenu par son père. Ils vont pourtant s’apprécier, et passer de plus en plus de temps ensemble.

Parallèlement, Rome et Carthage subissent des changements climatiques surprenants, à la lisière du fantastique. Et Caleb, le fameux oncle de Billy, réapparaît dans le grenier afin de fuir les journalistes. Lydia, quant à elle, reprend des cours de danse avec une rage décuplée par l’attente.

Narrés soit par Billy l’introspectif, soit par Lydia la bouillonnante, les chapitres déploient un environnement d’une étrangeté envoûtante. Les États-Unis sont un royaume gouverné par un incompétent, et semblent complètement coupés du reste du monde (cela vous rappelle quelqu'un ?). Cela n’empêche pas la consommation superflue d’y faire rage, et le côté malveillant des réseaux sociaux de s’y épanouir.

Sur ce fond comme en décalque, les histoires de vie des deux héros ne prennent que plus d’acuité. Adolescents en recherche d’eux-mêmes, ils se distinguent par leur intelligence, leur gentillesse et leur sens des responsabilités dépassant celui des adultes. Bon gré mal gré, ils avancent et tentent de se frayer un chemin – littéralement dans le brouillard… L’instinct de survie sera payant, soutenu par la solidarité. Entre temps, les épisodes les plus absurdes se seront déroulés, des poupées vaudou de Caleb aux licornes trottinant (peut-être) dans les rues, en passant par un tsunami final causé par une bombe nucléaire. J’ai adoré être déroutée par ce gros livre à la belle écriture, pour un public averti.