Les désastreuses conséquences de la chute d’une goutte de pluie

Par une belle fin d’après-midi d’été, une jeune fille à califourchon sur une branche remplit son panier de cerises au même moment où un oiseau transporte une brindille, un écureuil s’élance le long du tronc ; et alors qu’un jeune peintre met la dernière touche à son œuvre et que l’amateur d’art aux cheveux blancs examine celle-ci attentivement, une autre petite fille juchée sur les épaules de son père rêve elle aussi de manger des cerises.

Posté dans l’air du soir, ce petit monde respire la sérénité qu’une simple goutte de pluie tombée du ciel va venir troubler. On reconnaît le style graphique d’Adrien Parlange, son inventivité et son sens de la composition et du format, son art du « sur-mesure » (il est notamment l’auteur de La chambre du lion (2014), Le ruban (2016) et Le grand serpent (2019)). Ici l’album étroit, très en hauteur et construit comme un flipbook, accompagne la chute de la goutte d’eau qui se détache en blanc sur la scène ombrée. Tout y apparaît à la fois immuable, inscrit dans l’arrondi de l’arbre, et pourtant en mouvement, au gré d’imperceptibles détails fondus dans le contre-jour. Le chien vient s’asseoir au pied de son maître, l’oiseau rejoint son nid, les papillons volent, l’amateur d’art retire ses lunettes et une abeille se pose sur la queue du chien. La chute de la goutte d’eau – qu’on dirait tournée au ralenti – finira par rompre le charme en provoquant la catastrophe avant même de toucher le sol. Le texte minimaliste sert à merveille l’histoire qui tient à un petit rien : une abeille déteste l’eau et voilà comment le bel édifice de la vie  – où tout est lien – peut être mis en déséquilibre. Le lecteur en tirera lui-même les conclusions, à partir de la dernière illustration sans texte.

Sensible et subtil, Les désastreuses conséquences de la chute d’une goutte de pluie est le genre d’album dont on ne se lasse pas de tourner les pages.