Les fabuleuses fables du bois de Burrow

Dans ce superbe grand format, le regard est attiré par la foule qui se presse sur l’illustration de couverture, apprêtée pour la photo. La précision du trait et la multitude de détails attirent l’œil. Il ne s’agit pas de n’importe quelle foule, et sa mise en scène, entre deux abattants rouges ornés des dorures du titre et des éléments de référence, apparaît comme l’ouverture d’une pièce de théâtre à laquelle le lecteur, la lectrice, est convié·e.

Revisitant le concept des célèbres Fables de La Fontaine, les deux compères satiristes du Bois de Burrow, Thibault Guichon-Laurier et Frédéric Pillot, imaginent un bestiaire anthropomorphe de lapin·e·s, renard·e·s, biches et autres cerfs, mâtinés de quelques sangliers et volatiles divers dont le centre du monde est donc ce fameux bois imaginaire, et surtout le terrier de Madame Lapin, comtesse de Garenne ! La high society du Bois se réunit entre soi pour s’ébattre et gloser au rythme des articles hystériques d’une Gazette qui lance et défait les modes. L’image de la Cour de Versailles n’occulte pas cependant la référence à une société d’aujourd’hui obnubilée par l’apparence.

Si les plus sots, ou les plus avides, sont ridiculisés, si les auteurs en profitent pour démonter les artifices qui tiennent lieu de rites quotidiens, certains personnages font les frais, s’arrangent ou s’émancipent de ces joutes de superficialité : Archibald le wombat, exotique aventurier un temps adulé avant d’être confondu et renvoyé à son statut d’exilé, égaré dans une société qui n’a que faire de la précarité ; ou la gentille Bichette, que son amour des livres éloigne des sirènes de la fashion sphère. Sa sagesse va lui permettre de démasquer un odieux personnage et de sauver plusieurs de ses congénères. Ou même Herbert le renard, un temps happé par le conformisme, mais qui saura s’en défaire (à moins qu’il ne cède aux sirènes de son nouveau téléphone portable).

Cinq grands chapitres, que l’on peut lire en comité à haute voix pour renforcer l’impact de la mise en scène imaginée par les auteurs, magistralement illustrés, complétés par les extraits de La Gazette, de type fac-similé, situés en fin d’album, qui rappellent l’influence des médias sur l’opinion publique : une façon à la fois désopilante et tragique d’évoquer les travers, intemporels ou contemporains, de certains humains, et d’invoquer la sagesse des jeunes lecteurs et lectrices, qui sauront s’en protéger !