Album pour les jours de pluie

Très bel album que celui de cette aventure familiale d’une journée, la dernière de l’été.

Il se trouve que c’est aussi l’anniversaire du jeune narrateur. Qu’il soit installé dans un fauteuil roulant renforce l’impression qu’il est au centre de l’attention. Il reçoit en cadeau un appareil photo : ainsi chaque instant est l’occasion d’un cliché et de sa projection par l’artiste Dani Torrent, qui la déploie sur la double-page. Ici, l’image est au cœur du propos, ce qu’elle dit et comment l’auteur la met en scène : c’est le peintre qui prend le pas sur l’écrivain. Malgré la police OpenDyslexic, effort supplémentaire de communicabilité, la puissance évocatrice de l’illustration déborde sur le discours censé l’accompagner.

L’auteur-illustrateur use d’aquarelles et de crayons pour des couleurs estompées, dans une tonalité sépia qui évoque le temps passé, peut-être ces instants bénis de l’enfance où tout résonne en parfaite harmonie. C’est en tout cas ce qui émane de ces belles images, suspendues entre plusieurs temporalités comme le suggère le portrait d’un papa avec des moustaches en guidon de vélo bien gominées, dans un costume de bain suranné, quand l’appareil photo évoque une époque moins éloignée. Comme au travers d’un prisme grossissant, rappelant le travail du cinéaste Jean-Pierre Jeunet par exemple, les personnages sont saisis dans des postures contorsionnées à la fois poétiques et drôles, intenables dans la durée, ce qui souligne la brièveté de chaque moment ainsi figé. L’enfant, coiffé comme un vrai petit prince, l’œil dans le viseur, s’applique pour chaque cliché, à la fois témoin et acteur. Le texte, ses pensées ou ses paroles, est tout plein de la nostalgie de ce temps qui passe, ou qui est déjà passé. Et la parenthèse ensoleillée se referme dans la douce lueur du crépuscule.

Un livre comme un souvenir retrouvé à la faveur d’un album photos feuilleté, un jour de pluie.