Gros Bec

Albert Gros- Bec, dont le regard de travers contraste avec son habit classique, ne semble pas tirer parti de son élégance ! Lorsqu’il se regarde dans la glace de sa salle de bain, il fait grise mine et voit « qu’il est gros, ce bec ». Page suivante, le bec colossal occupe l’espace tant il est « énorme, disgracieux, monstrueux, dégoûtant ». Le dessin de Thomas Baas est parlant : « les ailes basses », le héros est l’image même du désespoir. Sans la sollicitude de Solange Mésange, son amie, Albert Gros-Bec, tassé dans son fauteuil, sombrerait dans la dépression la plus totale et le raffinement de son appartement décoré de cigognes aux longs becs comme de vivants regrets ne pourrait rien y changer. Solange va expédier Albert au Grand Concours International de Becs. L’anthropomorphisme des personnages amuse.

Dans la ville de Strasbourg, reconnaissable à sa cathédrale, à sa joyeuse ambiance, les oiseaux tous différents se pressent, avec casquette pour certains, et on peut y voir un jeu de mots sur une boutique « Au bec faim », une scène d’amour au balcon… Le dessin fourmille de clins d’œil que le lecteur appréciera, comme l’humour de « l’aéronichoir » où décolle Albert. A l’arrivée, les regards réciproques d’Albert et des concurrents sont très drôles de surprise, d’ébahissements. Albert découvre la diversité des becs, bec en sabot, bec courbé, spatule. Comme c’est étrange, et réconfortant !

Le récit alerte de Nicolas Digard, au style qui alterne langage intérieur de Gros-Bec et narration externe, ainsi que le dessin aux couleurs tendres de Thomas Baas entraînent le lecteur et donnent une belle leçon d’optimisme.