Marin, Félix et l'île aux oiseaux

Variation sur le thème de Robinson, Marin occupe avec bonheur son île aux oiseaux. SON île déserte ? Oui puisqu’il y est seul. Enfin c’est ce qu’il croit. Dans une débauche de couleurs, bleu de la mer, or de la terre, auxquels s’associent le rose tyrien, les mauve et violets, la vie semble paradisiaque même si Marin, pourtant bien occupé, « s’ennuyait ferme ».

On pourrait croire qu’il serait heureux de rencontrer, au détour d’un chemin, Félix.

Avec son petit ventre rond comme son chapeau, Félix n’a rien d’un va-t-en guerre mais il réagit vivement lorsque Marin l’attaque « Qu’est-ce que vous faîtes sur mon île ? » Comme des enfants dans une cour de récréation, chacun revendique l’île, A MOI, A MOI.

Le lecteur stupéfait va assister à l’échange vif entre les deux hommes et regarder avec étonnement un mur se construire entre eux pour diviser l’île en deux.

Le récit vivement mené, essentiellement construit sur des dialogues, laisse entendre la voix de l’auteur : « Ils avaient beau n’avoir parlé à personne depuis des années, aucun d’eux n’avait oublié comment se disputer... » Texte et illustration se renvoient la balle, les personnages sont croqués dans le mouvement et les voir négocier, se fâcher, travailler chacun de son côté est très amusant. On hésite entre tendresse et raillerie, comment est-ce possible d’être ainsi bêtement vindicatif ?

Le récit trouve une solution heureuse pour conclure et garder l’espoir d’un avenir meilleur. Comme la fable du porc-épic de Schopenhauer, cette robinsonnade a des leçons à nous transmettre car elles posent toujours la même question : comment vivre ensemble ? Le talent conjugué d’Erwan Bargain et de Julia Wauters apportent une réponse optimiste et convaincante.