Anse rouge

Marie est étudiante à Paris. Elle a la sensation de passer à côté de sa jeunesse, de sa vie. Brutalement, elle décide de partir à Noirmoutier pour revisiter les étés de son adolescence. Elle sait y trouver la clé de son mal-être, mais pas comment s’en débarrasser…

Le sujet de l’emprise morale, un peu différent du harcèlement, est évidemment très délicat à exprimer. Et pourtant, l’autrice y parvient avec une maîtrise directe des situations, des gestes, des mots choisis, des émotions de son héroïne et narratrice. Un par un, cette dernière revisite les étés de ses neuf à quatorze ans, son histoire familiale d’enfant unique surprotégée, puis de parents séparés. Et puis il y a Augustin et Joséphine. La belle dédaigneuse et le séducteur inconséquent. Brillants, riches, nonchalants, ils ont leurs quartiers sur l’île.

Marie les cherche autant qu’elle les craint, les fuit autant qu’ils l’attirent dans leurs filets. Elle se laisse humilier en devenant nounou d’un soir, elle se laisse attenter physiquement par du jus de mûre léché sur son visage. Et puis, l’adolescence explosive arrivant, les choses vont prendre une tournure plus grave. C’est ce cap que Marie a besoin de revisiter pour le laisser enfin derrière elle. Ou pas, mais au moins le dominer. Magnifique et rare.

« J’ai été perdue si longtemps. L’enfant de neuf ans, coincée dans sa carriole, peureuse sur son rocher, la fille de onze ans qui espère et boit l’air qui l’entoure, s’y faufile pour trouver son chemin, l’autre fille de treize ans qu’on tire et pousse et laisse sur le bord de la route, l’adolescente de quatorze ans qu’on fait rôtir en plein soleil pour mieux la dévorer quand elle est cuite, toutes ces couches s’étaient sédimentées et me tiraient vers le fond. » (p. 166)