La vie élastique

La vie élastique, joli titre pour un album tout en sourire, bondissant d’une expression à une autre comme une bonne blague. La couverture espiègle informe le lecteur : il pleut des cordes et sous son parapluie qui le protège efficacement, un jardinier arrose ses fleurs…

À la limite du non sens et de l’absurde, Julie Escoriza cultive jeux graphiques et jeux de mots. Tantôt, elle prend les expressions au pied de la lettre, tantôt elle les détourne. Ainsi « pleuvoir des cordes » reprend les rayures de la couverture, mais, des fines parallèles, surgit, telle Zorro, une fille qui s’élance, accrochée à une corde de pluie ! « Tourner autour du pont » trace pour une petite voiture qui s’éloigne, un escargot de routes, enjambées par un pont, ici, l’autrice illustratrice détourne l’expression. « Ne pas se laisser abattre », un arbre résiste à la rude cognée d’un petit homme terrassé, l’illustratrice détourne l’illustration. Ce jeu prend le lecteur sans cesse à contre-pied puisque chaque image est une « énigme » à déjouer. Parfois les images se répondent, « l’arrosage à sec », « l’ arrosage au sec ». Parfois, ce sont les expressions qui s’interpellent, le « pas perdu », le « pas retrouvé ». Les images en rebond (comme la pêche) apparaissent une fois, puis réapparaissent un peu plus loin et amènent le lecteur à s’interroger sur les différences, les échos : on retrouve les cordes de pluie en musique comme une harpe dans les dernières pages. Le tracé de la piste noire du ski évoque la route hélicoïdale autour du pont. Les nuages ressemblent aux houppiers des arbres et vice versa…

Un album virtuose pour des lecteurs qui apprécient la lecture jeu, le second degré, l’humour et la fantaisie.