Te souviens-tu, Marianne ?

Bel album de facture classique, où alternent récit et illustrations pleine page, Te souviens-tu Marianne ? est un hommage à Marianne Cohn.

Nous sommes en Haute-Savoie, en mai 1944. Près du lac d’Annecy, au pied de la montagne déneigée alors que les fleurs commencent à pousser, nous suivons un groupe d’enfants par l’intermédiaire d’un narrateur qui s’adresse à Marianne.
Qui est cette Marianne ? Et ces enfants, Renée Koenig, Léon, Alice, Robert…. ? Le récit rétrospectif va lever peu à peu les interrogations.

Philippe Nessmann dresse d’abord le portrait de Marianne. Sa naissance en 1922 en Allemagne, sa famille aisée et chassée « parce que [...] jui[ve] ». Tous les éléments se mettent en place, la guerre, l’antisémitisme, la traque. En quelques pages, l’auteur résume le voyage d’Allemagne vers l’Espagne, puis vers la France, et esquisse le contexte : la montée du le nazisme, la guerre civile, la Seconde Guerre mondiale ; on voit Marianne grandir, enfant, puis adolescente.
D’abord complètement ignorante du judaïsme, peu à peu, elle devient « juive ». Cette évocation pose une question grave et toujours actuelle : que signifie « être juif » (ou musulman ou chrétien ou….) pour un non pratiquant, un incroyant ? Cette assignation identitaire enferme ces enfants dans un destin qui n’a pas de sens pour eux.

La narration se resserre au fil des ans et de l’action de Marianne Cohn, devenue Marie Colin, résistante en faveur des petits. La sobriété des tableaux dessinés par Christel Espié ajoute à la gravité du récit jusqu’à l’épisode final du 31 mai 1944 où le lecteur retrouve la première scène, la montagne, Renée, Marianne, la fuite et l’espoir de la Suisse.

La conclusion est magnifique, dans la rédemption des enfants, le sacrifice de Marianne, sa force et sa fragilité. Philippe Nessmann s’adresse à elle, à nous lecteurs ; Christel Espié la dépeint avec tendresse, proche et douloureusement rayonnante. Un point historique et une dernière photographie lumineuse complètent cet album bouleversant.