L'étranger

L’automne arrive autour de la ferme des Bailey, le moment où l’air se rafraîchit et les arbres prennent des tons rouges et cuivrés. Alors que le fermier Bailey circule insouciant au volant de son camion, il heurte brusquement un gros animal... Ou peut-être est-ce plutôt.. Un humain. Le fermier décide de ramener l’inconnu chez lui pour le soigner. Et c’est ainsi que l’étranger fait irruption dans la vie des Bailey, se mêlant au quotidien de la famille, le temps de son rétablissement. L’homme ne parle pas et ne se souvient plus de rien, jusqu’au jour où en contemplant la feuille encore verte d’un arbre, il semble retrouver enfin ses esprits... Il disparaît alors aussi étrangement qu’il était arrivé.

Publié initialement en 1986, The Stranger vient d’être édité dans sa version française par la maison québécoise D’eux avec une traduction de Christiane Duchesne. Son auteur, l’illustrateur américain Chris Van Allsburg est connu du public notamment pour ses albums Jumanji (1982) et Boréal-express (1986) – devenus des classiques – adaptés en film et tous deux récompensés par la prestigieuse médaille Caldecott pour leurs illustrations. Entre réalisme et fantastique, les personnages de Chris Van Allsburg évoluent en général dans des mondes oniriques, comme ici L’étranger, derrière lequel certains lecteurs ont cru reconnaître Jack Frost, figure allégorique de l’hiver dans le folklore populaire américain. Au fil des pages, les indices s’accumulent d’ailleurs pour témoigner des relations particulièrement étroites que l’étranger entretient avec la nature – son souffle se transforme en courant d’air, les lapins s’approchent de lui spontanément et il reste fasciné par un vol d’oies sauvages dans le soleil couchant. Venu de nulle part et reparti on ne sait où, l’étranger pourrait ainsi personnifier l’arrivée de l’automne et cette parenthèse insaisissable entre deux saisons. Malgré tout, son identité ne sera à aucun moment révélée. Le récit reste ouvert et laisse place à toutes les interprétations. C’est une histoire du temps qui passe, servie par les pastels lumineux de l’illustrateur et un texte plein d’étrangeté et de poésie, qui gagnera à être relu plusieurs fois pour en apprécier toute la subtilité.