L'arbre généreux

« Il était une fois un arbre qui aimait un petit garçon. » Le garçon rend visite à l’arbre. Il grimpe le long de son tronc pour se balancer sur ses branches et mange ses pommes. Ensemble, ils jouent à cache-cache. Le garçon aimait l’arbre et l’arbre était heureux. Le temps passe ; le garçon grandit, ses absences s’allongent. Un jour, le garçon devenu jeune homme revient voir l’arbre. Très heureux, l’arbre lui propose de grimper, de jouer, de manger ses pommes. Le garçon affirme être trop grand pour jouer. Il souhaite acheter des choses, s’amuser. Est-ce que l’arbre peut lui donner de l’argent ? Celui-ci lui offre ses pommes, que le garçon part vendre en ville. L’histoire se répète ; le garçon revient homme, puis homme mûr. L’arbre lui donne ce qu’il possède : ses branches, puis son tronc. Lorsque le garçon, désormais vieillard, revient une dernière fois, l’arbre n’est plus qu’une souche. Mais le garçon n’a besoin de rien, excepté d’un endroit pour s’asseoir. L’arbre se redresse tant qu’il peut et le garçon s’assied. L’arbre est heureux.

Depuis sa première publication en 1964 aux États-Unis, L’arbre généreux a marqué des générations de lecteurs. Le texte poétique, à la répétition et au rythme finement maîtrisés, s’associe à la sobriété des illustrations noir-blanc pour créer un album qui s’apprête particulièrement à une lecture à voix haute. Toutefois, malgré son succès, l’interprétation de l’histoire divise. Serait-ce une éloge de l’amour inconditionnel ou la mise en garde d’une trop grande abnégation? Une métaphore douce-amère du passage du temps ou un conte écologique sur l’avidité humaine face à la générosité de la nature ?

Convaincu de l’importance pour les enfants de lire des histoires aux fins complexes afin de s’armer face à la réalité de la vie, Shel Silverstein n’a pas souhaité donner davantage d’explication excepté celle d’ « une relation où l’un prend et l’autre donne ». L’auteur-illustrateur, d’abord peu attiré par la littérature enfantine, se laissera seulement convaincre à l’insistance de Tomi Ungerer, et bien heureusement d’ailleurs. Les multiples recueils de poèmes et histoires (comme Lafcadio, le lion qui visait juste) seront tous estampillés de son style reconnaissable : un illustratif proche de la caricature et une voix nuancée, capable autant de légèreté que d’irrévérence.

Quelle que soit la lecture que l’on apporte à L’arbre généreux – qui peut même varier au fil des années, ce qui fait l’une des forces de cet album – il est difficile de rester indifférent.