La caresse de l’ours polaire

Dans la classe de Madame Karine, il y a une fête de l’amitié. Pour cet événement, il faut dessiner un ours polaire, blanc. On sent l’activité cadrée et le travail sérieux.

Dans cette classe, il y a Alicia. Elle dessine un ours brun au ventre doux. Marie-Andrée Arsenault, l'autrice, détaille son tâtonnement, sa recherche de la douceur et ses choix. Mais Félix, un petit garçon de la classe, voit bien que l’ours n’est pas conforme aux consignes et, fort de cette évidence, il « dénonce » la déviance.

Scène cruelle et fréquente, Alicia, stigmatisée, hors de sa bulle, hors de son rêve, se retrouve seule contre tous. Par chance, Madame Lili, intervenante extérieure, son refuge, son amie, la destinataire de l’ours doux, l’écoute.

Le récit est construit sur des allers-retours entre scène de classe vécue et récit destiné à Madame Lili. Il nous éclaire sur les sentiments, les émotions violentes ressenties par la fillette en contrepoint des moqueries enfantines, peut-être innocentes, peut-être malignes.

L’illustration de Manon Gauthier, en gris, beige, brun, faite de collages à l'effet boiteux, traduit les décalages, les efforts, les discordances du réel. Les terribles dents de Félix et des élèves qui rient d’Alicia leur donnent des allures cannibales.

On est aux côtés d’Alicia, avec elle, les autrices permettent au lecteur de vivre à travers elle le sentiment d’exclusion qui traverse les petites sociétés d’enfants. On en ressent bien la cruauté.

Un récit fort qui donne à réfléchir sur la « fabrique » de l’exclusion. Une histoire émouvante, tendue, pour vibrer au rythme de cette classe aux enfants bien ordinaires comme les lecteurs – jeunes ou adultes – auxquels elle s’adresse et qui pourront identifier le malaise.