Nos vadrouilles

S’il est difficile d’évaluer la qualité du texte suédois original de cet album, assurément sa traduction en français par Aude Pasquier est une réussite : des phrases courtes et pragmatiques, comme les propos tenus par le narrateur et son ami à casquette de skateur Kjell (prononcer : chèle). Leur contenu reflète une vision du monde enfantine parfois un peu radicale (ils qualifient la voisine de « vieille ronchon ») mais au potentiel comique qui rend l’ensemble de la lecture très agréable.

Parce que les deux garçons trouvent ennuyeuses les parties de foot tranquilles, ils décident de « jouer à se perdre », c’est-à-dire partir en vadrouille dans les environs de leur domicile, en évitant tout ce qui leur est déjà connu. Leurs premières trouvailles sont un seau cassé et un crapaud, coincé au fond d’une cannette de bière, qu'ils baptisent Carl. Elles transforment leur aventure en une expédition aléatoire de collecte d’objets en tous genres.

L’angle choisi par les autrices de Nos vadrouilles pour aborder le thème de la responsabilisation face à la surconsommation est original. Pas de diabolisation des adultes : le garagiste du coin accepte de réutiliser le pot d’échappement trouvé par les enfants dans une casse pour faire réparer une voiture ; un pique-niqueur à tête chauve de la génération des baby-boomers leur fait don de son « tas de cannettes consignées » ; sa femme, qui sent un peu la cigarette, leur propose « du sirop de cassis et du gâteau marbré ». Tous ces personnages ont au moins un bon côté, puisqu’ils offrent aux garçons une occasion de rendre un service en échange d’une récompense. Pas d’angélisme non plus à propos de ce qui motive les enfants à rapporter des cannettes à la consigne : « Carl aura une barrière et des meubles de maison de poupée pour sa nouvelle maison » et eux une bonne glace ainsi que des friandises !

Réaliste, cet album ne met pas en opposition de façon caricaturale nature et civilisation, mais incite les lecteurs à observer le monde qui les entoure pour trouver comment contribuer à son meilleur fonctionnement. Cela peut commencer en repérant de menus détails dans les illustrations, comme par exemple des insectes ou des sacs en plastique usagés.

Au coucher du soleil, quand les garçons reviennent chez eux, d’autres enfants courent sur le terrain de foot. Il y a même une fille. Mais ne rêvons pas trop : les deux potes se lancent aussitôt dans un match de coupe du monde impliquant l’Argentine et… la ronchon ! L’illustration de dernière page ne saurait être plus explicite : « La finale devra attendre une autre fois ».