Ah ! Les voyages

Phileas aime les petits détails et les méandres de l’imaginaire. Pénélope aime les grands espaces et les frissons d’aventure. Bien que différents, tous deux sont amis. Lorsque Pénélope organise un voyage, Phileas refuse de l’accompagner. Arrivée à la première escale, Pénélope ouvre sa valise : Phileas s’y est caché, surprise ! Si elle espérait que ce dernier l’accompagnerait dans la découverte, Pénélope devra rapidement déchanter. Phileas essaiera bien une fois ou deux de sortir de l’hôtel, mais la chambre recèle suffisamment de trésors pour qu’il s’en contente.

Lorsque Marie Caudry détaille les pérégrinations du duo représenté sous la forme de chats personnifiés, elle prend soin de relever l’étrange familiarité que tous deux découvrent : une pluie abritée sous une large feuille, des notes de musique ou un jeu de dominos dans la rue pour Pénélope ; un papillon dans un bouquet de fleurs à la réception, un changement de lumière ou les poignées de porte pour Phileas. Mais Pénélope peine à comprendre la réticence de son compagnon : pourquoi faire le tour du monde si c’est pour rester dans la chambre d’hôtel ? Lorsque les circonstances forcent la jeune aventurière à ralentir, Phileas (que l’on imagine d’abord être un animal de compagnie mais qui nous réserve une nouvelle surprise en fin d’album) saura saisir l’occasion et se montrer à la hauteur.  

Poétique et philosophique, l’album se pare d’illustrations flamboyantes et minutieusement composées. L’autrice-illustratrice s’amuse avec ses personnages, les faisant alterner les poses félines (la jambe levée pour se laver, penché au-dessus de l’évier pour boire au robinet) et humaines (écrire, observer à la loupe) sur une même page. Qu’il s’agisse de scènes d’intérieur à la décoration détaillée et colorée ou de scènes de voyage – en train, en vélo ou à dos d’éléphant à travers une nature changeante et opulente, dans les ruelles d’une ville ou face à des sommets enneigés – Marie Caudry déploie son pinceau avec un talent et une générosité indiscutables, le tout illuminé par des touches d’un orange fluo vivifiant.

Selon Montaigne, le voyage forgerait la jeunesse. Proust, quant à lui, considérait l’alternance des regards sur la vie comme le véritable voyage. L’opposition s’incarne parfaitement dans les personnalités à priori contrastées de Pénélope et Phileas, qui sauront toutefois très bien se rejoindre.

Un gigantesque coup de cœur pour cet album intelligent et singulier.