Scrogneugneu

Miguel est furieux. Dans sa chambre, il râle, il grogne, il gronde, et même il jure « scrogneugneu !».

Mot désuet et pouvoir de la répétition, 5 fois prononcé, ce juron ouvre un tribunal où sont convoqués tous ceux qui lui ont porté tort, à savoir son frère, sa maîtresse et sa mère.

Le personnage principal, petit garçon joufflu, chevelu, attendrissant et comique avec sa salopette rayée et ses chaussettes rouges, est croqué par Marianne Barcilon dans des attitudes évocatrices, boudeur, colérique. Il est amusant de le voir tourner en rond et envoyer voler sa poubelle dans le décor de la chambre de Van Gogh. La colère bleue de Miguel s’exprime en tourbillon, clin d’œil à la manière du grand peintre.

En décalage, texte et illustration confortent l’attitude du petit garçon et par empathie, sans savoir pourquoi, on adhère à sa colère. On partage aussi sa stupeur lorsqu’il est transporté face à une juge, chouette imposante vêtue de la robe noire de son office.

Les plaidoiries sont vite expédiées, entre la juge tonitruante et les accusés. Les injustices subies par Thomas sont-elles mineures ?

Au lecteur de juger. Le grand frère Esteban figé entre des assesseurs rhinocéros, est obligé d’avouer qu’il a spolié son frère, privé de céréales matinales. La maîtresse d’école ne l’a pas interrogé alors qu’il avait la réponse, quant à la maman, elle lui aurait donné une part de gâteau chocolat plus petite.

Simulacre de jugement et verdict à charge mettent Miguel en difficulté. D’accord pour priver son grand frère de céréales, à vie, mais pour le reste, est-il gagnant ?…

Au premier degré, une grosse colère, ou au second degré, réflexion sur l’injustice, cette fable morale mais pas moralisatrice compose un récit amusant sur le ton de la farce. Peut-être pour amener les enfants à considérer leur sentiment d’injustice sous un autre angle ?