Calme et tempête

Après Face à face, Maeva Rubli s’empare à nouveau de la solitude qui étreint les êtres confrontés à la douleur de l’existence. Celle-ci peut prendre de multiples formes, attaquer à différents moments, par surprise, de front, ou insidieusement, petit à petit, mais elle piège chacun dans un univers clos. Comme dans une boîte.

Les deux enfants de cette histoire double subissent le désarroi mental de parents souffrants. Dépression, bipolarité, des noms souvent cités aujourd’hui, pour des maux qu’on voudrait éloigner, oublier. Les enfants de cet album sont coincés chacun dans cet univers complexe, comme dans un labyrinthe, que la plasticienne Maeva Rubli imagine sans limites, sans répartition des espaces, ni des moments. Il y a la vie, le regard de l’enfant toujours inquiet, et le débordement qui s’y superpose. Maeva Rubli présente chaque histoire par un sens de l’album : la première se découvre de gauche à droite, mais il faut retourner le livre pour lire ce qui arrive au second enfant. D’un côté, elle peint un univers en taches de couleurs comme un grand collage joyeux ; seule la silhouette du père évolue, sa posture variant selon son humeur, son accablement. De l’autre côté, l’univers est fantasque, carnavalesque, le trait coloré comme une ponctuation, mais c’est la couleur blanche qui fait son unité. Blanc comme la couleur de la peur qui étreint le garçon lorsque sa mère change brutalement de comportement. Le texte se déroule sur le même schéma : au début, tout va bien, on se déguise, on fait sauter des crêpes. Et puis, peu à peu ou subitement, la peur prend toute la place. L’enfant se recroqueville dans un coin d'image, et enferme la maladie, les cris, les pleurs dans une boîte, dans son cartable sur l’image, et dans son cœur. Et l’angoisse le marque comme son ombre.

Heureusement, on est rarement vraiment seul·e. Les deux garçons se rencontrent à l’école, et sur une splendide double-page au centre du livre, échangent leurs secrets, vident leurs boîtes, dessinent leur vie, complices, bientôt amis ?

Une belle réflexion sur les douleurs d’enfance, souvent imperceptibles pour qui ne sait pas ou ne comprend pas certains gestes, certaines attitudes. Il faut beaucoup de patience, de tolérance et aussi d’empathie pour deviner la souffrance et accompagner l’enfant qui la subit. Maeva Rubli nous offre là un précieux outil pour imaginer d’en parler. Pour commencer.