La légende d’Hippopolis

Davide Cali est un auteur italien étonnant. Après des débuts dans la bande dessinée, il s’oriente très tôt vers la littérature jeunesse avec aujourd’hui plus d’une centaine d’albums à son actif, publiés en France (principalement aux éditions Sarbacane) et en Italie, et traduits dans plusieurs langues. Son travail d’écriture, couronné de nombreux prix (notamment le prix Baobab 2005 pour Moi j’attends, avec Serge Bloch) se distingue par son originalité et sa profonde humanité.

Dans La légende d’Hippopolis, Davide Cali nous fait la démonstration qu’en s’unissant et avec un peu de débrouillardise, on s’en sort toujours mieux.

L’histoire commence lorsqu’un père meurt ne laissant à ses fils pour tout héritage qu’une modeste maison. « N’étant jamais d’accord sur rien » et « ne voulant pas vivre ensemble », les frères décident alors de se la partager et chacun repart ainsi avec ses onze pierres, sauf le petit dernier, Hippolyte, qui devra se contenter, lui, d’une seule pierre. Mais comment faire fortune avec si peu ? Comment construire la ville de ses rêves, la plus haute tour du monde, le rempart d’un grand château, un escalier qui ne conduit nulle part ou encore, un pont au milieu de rien ? Chacun y va de ses rêves les plus fous, vite rattrapé cependant par la réalité.

Jeune illustrateur très talentueux, influencé par l’univers du manga, Alphonse Bardou-Jacquet prend un plaisir évident à croquer cette étrange fratrie un brin mégalomane et aux prénoms à consonance viking, posant à côté de leurs constructions imaginaires. Comme souvent, c’est le moins doté mais le plus malin qui s’en sortira le mieux. Du cerveau en ébullition d’Hippolyte jaillit une impressionnante matière verte qui finit par accoucher d’une idée géniale : un tas de pierres après tout, cela peut être aussi les ruines d’une mystérieuse cité disparue. Les touristes affluent et comme dans le conte du chat botté, par la ruse, fortune est faite. Transformés en cicérones, les huit frères n’ont plus qu’à raconter l’histoire des huit rois qui firent la gloire d’Hippopolis, surtout celle du huitième bien sûr ! On peut s’interroger sur la morale, mais l’intelligence triomphe et le lecteur ne pourra s’empêcher de sourire en pensant à sa prochaine visite de ruines. Un album très inventif, atypique et réjouissant où le rapport texte images fonctionne à merveille.