Les gens de la plage

Un matin de septembre, en se promenant sur la plage de Ty Anquer, un grand chien noir et blanc tombe sur un rocher pas comme les autres. C’est une petite baleine qui vient de s’échouer sur la plage et n’a plus la force de rejoindre l’océan. Armés de pelles et de seaux, les gens de la plage accourent alors pour creuser et faire venir jusqu’à elle la marée. Mais la police a pris les devants et déjà barre l’accès : personne ne doit s’approcher de l’animal que les pompiers tentent en vain de sauver. C’est alors qu’une femme se dresse, défiant les interdits : elle est pirate, elle sait sauver les baleines et elle connaît le « ministre de la Mer et le président de la Terre ». Pour autant, seule, elle ne peut rien faire et il faudra qu’à leur tour les gens de la plage bravent l’autorité pour enfin remettre à flot le cétacé.

Cette belle histoire d’entraide et de résistance a été écrite par Maële Vincensini, jeune autrice qui s’est illustrée en publiant en 2023 L’extraordinaire histoire de la villa Alice (Locus Solus éditions), le récit d’un coup de foudre pour une maison à l’abandon dans le Finistère, diffusé pendant un an par épisodes sur les réseaux sociaux avec près de 20 millions de vues. Même décor pour Les gens de la plage, illustré merveilleusement par Cédric Abt : ambiance iodée du littoral breton, vastes étendues de sable qui emprisonnent le corps immense de la baleine et, en arrière plan, la mer lointaine et boudeuse qui, peu à peu, envahit la page jusqu’à emporter l’animal vers les profondeurs. Face à l’autorité froide et intraitable, les gens de la plage n’ont que leur cœur et leur spontanéité à opposer mais ils finiront par triompher avec cette belle image à la fin de l’album de toutes leurs mains posées sur le corps sensible de la baleine souffrante. Si la police est un peu facilement assignée au rôle du méchant, l’ouvrage amène incontestablement à une réflexion légitime sur les limites de l’autorité. Jusqu’où accepte-t-on de se soumettre aux interdits ? Et peut-on tolérer que d’autres décident à notre place de ce qu’il convient ou ne convient pas de faire ?