Au dodo, Mammout ! : une fantaisie en 4 stades pour le temps qui court
L'avis de Ricochet
Mammout, ce titre et son complément, une fantaisie en 4 stades pour le temps qui court indiquent bien la tonalité voulue par Anouch Paré d’autant que la scène initiale reprend cette phrase de Pierre Terzian lourde de conséquences : « Choisis bien tes mots, parce que ce sont eux qui créent le monde qui t’entoure ». Ainsi le spectateur est introduit dans un univers joyeux, inquiété toutefois par le langage et la fuite du temps.
Les premières scènes éblouissantes et réjouissantes développent ces thématiques : nous sommes dans un immeuble, garçons et filles tous cousins, cousines ont en commun « une grand-mère »… Comment l’appeler ? Par vote, ils se décident pour Mammout, avec deux « m » c’est « plus moelleux » mais sans « h» parce que « ça ne sert à rien ! ».
Cette scène inaugurale est criante de vérité, on entend les enfants discuter : à quel âge on est vieux, comment on le sait ; « vieux » qui ne se dit pas, mais alors comment dire et la parole passe de l’un à l’autre jusqu’au consensus « elle est d’époque ».
On le sait dès le départ, elle perd la boule. Preuve en est qu’elle a volé au supermarché des gâteaux mangés sur place alors même que, compte-tenu de son âge, Monsieur le Maire en personne doit venir lui remettre une médaille. À la fin du stade 1, tableau doux amer, Mammout pose problème, les adultes sont épuisés de soutenir leur mère.
Au stade 2, la pandémie s’installe, « plus de bisous », chacun chez soi, devoirs et travail à la maison, l’autrice a capté l’essence même de l’angoisse qui a saisi la société et malicieusement, elle mêle repas familial et discours présidentiel, en ciblant son propos sur le terme répété « vulnérable » qui va à présent coller à la peau de Mammout « il faut la protéger ».
Les adultes ont recours aux enfants. À période troublée, monde renversé, les jeunes ne sont pas dupes. Institués gardiens de leur grand-mère, ils alternent jeux, grammaire et l’autrice met en lumière les décalages entre discours officiel NOUS SOMMES EN GUERRE et réalité, revient alors la phrase de Pierre Terzian « Choisis bien tes mots, parce que ce sont eux qui créent le monde qui t’entoure » et l’autrice fait défiler futur, passé dans une sorte de confusion verbale et mentale, de repères flous, perdus. Dans un délire de jeu pour intéresser Mammout, les enfants improvisent des espèces en voie de disparition comme leur grand-mère fragile, comme leur époque anxiogène
Très datée historiquement puisque liée à la pandémie et à la résidence effectuée dans le sud de la France, cette pièce d’Anouch Paré dépasse la stricte actualité dans l’expression de nos inquiétudes et de nos questionnements sur la vieillesse mais aussi dans la réflexion sur le pouvoir et le sens de la parole : tout dire, trop dire, stigmatiser. Comment partager une parole juste, créatrice de sens et de liens, une parole libre sans anesthésier, ni baîllonner. Tour à tour, drôle, poétique, grave ou comique, dans l’air du temps cette pièce, dédiée aux enfants, parle aux adultes... pour de vrai !
Présentation par l'éditeur
Ils sont vingt-sept et habitent tous le même immeuble. Pères, mères, oncles, tantes, cousins, cousines, sans oublier une grand-mère que les enfants baptisent Mammout. Or, Mammout perd la boule. Elle ne retrouve plus son chemin, elle dit n’importe quoi, bref, elle ne peut plus rester seule. Et ça tombe mal parce que le président Martial annonce la venue d’un virus dangereux, la fermeture des écoles et la nécessité absolue de protéger les personnes âgées. Les adultes craquent... Qui va garder les enfants ? Qui va garder Mammout ?