Buddy Longway (T. 20). La source

En 1974, le dessinateur et scénariste suisse, passionné depuis toujours par les Indiens, crée le personnage de Buddy Longway, le premier héros qui raconte son histoire à la première personne et qui vieillit au fur et à mesure des albums. Il s’en explique sur le site qui lui est consacré :

« J'avais envie de renouveler le mode narratif propre à la BD. Plutôt qu'un héros idéal, invincible et immortel (comme Lucky Luke, Blueberry, Red Dust, etc.) mon idée était de faire parler un simple homme... De plus, ce personnage de western ne serait pas un cow-boy mais un trappeur. Il n'aurait rien d'un « dur » implacable, mais tout d'un être humain avec ses forces, ses faiblesses, ses défauts et ses qualités. Un anti-héros, autrement dit, mais qui nous emporterait au fil de ses élans, de ses déboires, de ses joies et de ses peines. »

On le découvre jeune homme, jeune trappeur très inexpérimenté dans le premier album publié au Lombard, Chinook. Sa première saison de chasse tire à sa fin et il a pu se constituer un bon stock de fourrures qu’il compte vendre au fort où il se rend. C’est alors qu’il rencontre pour la première fois des Indiens, des Peaux-Rouges comme on les appelle alors. Cette rencontre, qu’il aborde avec les réticences et les clichés que son éducation de blanc lui a inculqués, change à jamais sa vision de l’autre, quel qu’il soit et c’est à ce moment-là que le jeune trappeur décide de porter un regard ouvert sur le monde et les êtres. C’est aussi là qu’il rencontre Chinook, la jeune Indienne Sioux qui deviendra sa femme et la mère de ses enfants, Jérémie et Kathleen.

Dix-neuf autres albums racontent la vie de Buddy et des siens, son évolution, l’apprentissage de la vie et des croyances indiennes, les joies et les tensions familiales, la vie au contact de la nature et au contact des Blancs, la plupart du temps hostiles et racistes, les difficultés avec Jérémie, jeune métis qui a du mal à trouver sa place, écartelé entre ses deux cultures.
Derib met la vie de Buddy en images avec un style et une mise en pages qui lui sont propres et constituent sa marque de fabrique en quelque sorte. Des planches au découpage classique alternent avec des mises en pages éclatées, un décor unique formant la page par exemple, sur lequel Derib incruste de petites vignettes.
Avec La Source, vingtième et dernier album de cette belle saga humaniste, on assiste au dénouement ultime. Buddy et Chinook vivent toujours dans la réserve avec leurs amis. Jérémie est mort depuis quelques temps déjà et Kathleen les a quittés pour vivre sa vie de jeune femme. Ils sentent qu’ils sont arrivés tous deux au bout de quelque chose et décident ensemble de retourner vivre dans leur vieille cabane dans le nord. Ils se mettent en route rapidement pou retrouver les lieux chers à leurs cœurs, mais ils se rendent compte qu’ils sont trop chargés d’émotions et de souvenirs. Ils s’installent enfin dans la cabane d’un vieil ami trappeur pour y vivre au rythme de la nature et des saisons et goûter à la paix qu’ils retrouvent. Mais un homme est là, qui les guette … C’est leur fille Kathleen qui prend le relais de son père pour raconter le dénouement dans les dernières planches.
On lit cet album avec beaucoup de plaisir et de tristesse à la fois car on sait que c’est le dernier. Derib a porté une série admirable, anti western par excellence, servie pour un héros plein d’humanité, de tolérance et d’intelligence. Cette saga, même si elle se déroule dans un contexte historique très défini, raisonne de manière très moderne. S’il y avait plus de Buddy Longway en ce monde, qui écoutent, réfléchissent avant d’agir !