C’est l’Inuit qui gardera le souvenir du Blanc

Dans un futur indéfini de notre planète, tous les pays et leurs habitants sont surveillés étroitement par des technologies perfectionnées. Seuls les territoires Inuits y échappent, et c’est de là que s’organise un mouvement indépendantiste. Les gouvernements mondiaux cherchent à maîtriser cette résistance, d’autant plus dangereuse qu’un de leurs propres agents est passé de l’autre côté. Une des clés semble se trouver dans la présence des narvals, mammifères marins qu’étudie une jeune chercheuse. L’agent échappé et la chercheuse innocente se retrouvent seuls dans la neige, pourchassés par une équipe issue des pouvoirs en place.

L’intrigue intrinsèquement complexe peut dérouter, d’autant plus que les éléments de compréhension sont distillés peu à peu, tout au long d’un texte savamment construit, et que la fin reste plus ou moins en suspens. Mais un cadre se pose peu à peu, pour laisser place alors aux différents personnages. Aucun n’occupe vraiment le devant de la scène, le narrateur omniscient alterne les points de vue avec un art consommé du rythme. Ce sont la psychologie, les états d’âme des protagonistes qui maillent cette histoire au temps relativement bref. Tous se découvrent jouets d’un pouvoir qui les dépasse et voient leurs convictions plus ou moins remises en cause. La jeune chercheuse inuit, peut-être la plus pure, n’est même pas exempte d’ambiguïtés : elle a accepté de travailler sans connaître la finalité de ses recherches. Humains, trop humains… Le contexte narratif se partage entre innovations technologiques (chargements de mémoire flash pour consulter plus vite un dossier, implants sous la peau qui identifient les gens, etc) et retour aux origines (les croyances inuits, la proximité avec la nature), sans que l’auteur prenne clairement parti pour l’un ou l’autre de ces camps : encore ici, la nuance domine. A la fois roman d’anticipation et thriller, C’est l’Inuit qui gardera le souvenir du Blanc est une proposition de réflexion brillante et intelligente sur des thèmes aussi brûlants que la politique et ses dérives, l’écologie. On frémit tant ce futur nous semble possible. Possible seulement, nous dirait Lilian le sceptique !