Deux drôles de bêtes dans la forêt

Une petite fille trouve une bête dans la forêt. L’animal est non identifié, petit aux dents pointues avec une queue d’écureuil. Persuadée que sa trouvaille est malheureuse, la fillette l’emmène chez elle, la couve, l’habille, la surcouve, la promène, la montre à ses amis. Mais la petite bête semble avoir chaud, et la nouvelle maîtresse ouvre la fenêtre. L’animal, ni une ni deux, s’enfuit dans sa forêt d’origine. Très inquiète, la petite fille ne parvient pas à trouver le sommeil. Jusqu’au moment où on gratte à sa fenêtre...

Dit comme ça, vous comprendrez que les bonnes intentions de l’humain se sont heurtées à la nature sauvage du velu habitant des bois. Mais l’album a la bonne idée de complètement scinder les points de vue des deux personnages, en les offrant à lire et à voir successivement. Il y a d’abord la petite fille, persuadée de faire ce qu’il faut et de sauver une créature en détresse, quasiment jusqu’au bout de l’histoire. Il y a ensuite la bête éberluée, complètement agressée par cette grosse chose qui la séquestre et agit sans discernement, avant de se rendre compte qu’une maison chauffée peut aussi avoir son intérêt.

C’est évidemment hilarant, avec bruitages incorporés puisque les « langues » changent d’une version à l’autre lorsque les personnages s’expriment directement (le « couine » désespéré devient par exemple un « tralala » joyeux). Le lecteur s’amuse totalement à revivre les mêmes situations, accompagné par les dessins qui eux aussi changent de focalisation (et un humain peut paraître énorme).

Invitant à réfléchir à la fois sur la forme - la notion de point de vue -, et sur le fond d’une relation qu’un enfant doit apprendre à construire avec un animal, l’album finit dans une joyeuse apothéose, un retour à la nature signant une nouvelle amitié. Une réussite d’histoire à ne pas manquer !