Joli (Schubiger) Cedraschi, petite fille, quitte ses parents installés à Zurich pour le Tessin où vivent ses grands-parents paternels, entre 1939 et 1941. Ce livre s’attache donc à faire revivre cette petite communauté tessinoise, bien éloignée de la guerre, figée dans un mode de vie paysan proche des pratiques du XIX° siècle . A travers les souvenirs de l’enfant nous faisons connaissance de Nonna, grande administratrice de la vie quotidienne, attachée aux tâches ménagères mais aussi à la vie collective marquée par la religion et la mort ; nous éprouvons la tendresse qui lie Nonno, le grand-père, et sa petite-fille grâce aux histoires qu’il lui raconte ; nous découvrons la complexité des familles entre oncles, tantes et cousins. Le récit se construit selon une double énonciation : d’une part les souvenirs de l’enfant qui témoigne des faits minuscules et saillants, l’importance des souliers – zoccoli, chaussures à semelles de bois - , les repas du dimanche , les toilettes, les jeux innocents ou non entre enfants, etc et d’autre part les commentaires de la grand-mère qu’elle est devenue. Cette superposition installe une distance qui donne à voir la réalité sociale, pas très facile : l’immigration qui vide d’hommes les villages ; les maigres ressources qui obligent à un double travail à la ferme et à l’usine de chemises ou comme domestique ; l’analphabétisme dominant et la richesse de ceux qui savaient lire et écrire… tout un monde plus ou moins révolu que l’auteur dessine avec minutie et profondeur, une histoire vécue, à la portée de tous, adolescents ou non.Un beau texte.

Danielle Bertrand