Histoire du loup qui dévorait les histoires

« C’était un loup tout seul. Peut-être le premier loup. » Ainsi commence cet album qui chemine entre les contes traditionnels. A l’origine, et à contre-courant des images du loup qu’ils véhiculent : « ce loup n’aimait que les histoires ». L’intrigue est construite comme un parcours qui explique, justifie sa transformation terrifiante de loup pacifique dévoreur d’histoires en loup terrifiant dévoreur de grand-mère et autres enfants, chèvres et chevreaux. C’est donc une histoire complexe soutenue par une illustration très imaginative, parsemée d’images de contes que le lecteur habile s’amusera à décrypter.
Ce loup se repaît d’histoires. Il écoute avidement, « à pas de loup », celles qui se racontent le soir jusqu’au moment où il tombe sur des histoires de grand méchant loup. Sous le choc, ou par prédiction auto-réalisatrice, il colle aux histoires racontées et devient grand méchant loup à son tour.

Etrange histoire que cette aventure de loup, à la fois variation sur l’image classique du loup et sur le pouvoir de la littérature. On peut lire cette histoire comme une joyeuse fantaisie mais, à force d’entendre des horreurs, pourraient-elles nous gagner ? Réveilleraient-elles le loup qui sommeille en lui ? Les illustrations ont la force de ces interrogations, le loup est tour à tour immense, en déséquilibre au moment de sauter sur ses victimes ou prostré, lorsqu’il a peur. Les teintes douces et raffinées servent de contre-point aux sombres atmosphères et tout se mélange jusqu’à la fin, où l’ombre du loup sur les poules n’augure rien de bon (pour elles !) Un album vraiment intéressant, dérangeant et qui se prête à des lectures multiples.