Hors la loi ?

Margot est au collège, et avec ses deux amies, elle a l’habitude de s’élever contre les préjugés et l’intolérance « ordinaires ». Ses parents sont des militants acharnés de la justice et de la protection des êtres et de leur environnement. C’est pour ça qu’à la demande de Robin leur fils aîné, ils ont accueilli Badri, un jeune Géorgien, dont les parents ont fui leur pays.

Ils sont ces réfugiés, qui n’ont plus de patrie, plus de maison, plus d’ancrage, et qui dérivent au gré de lois internationales peu accommodantes, vivant dans les limites du supportable pendant de longs mois, de longues années.

Lorsque la reconduite à la frontière s’annonce inéluctable, Margot prend son courage à deux mains et décide de fuir avec Badri dans la montagne environnante. Comme ses parents, elle veut faire barrage à l’injustice et à l’indifférence. Mais elle trouve que leur engagement n’est pas assez radical, que le danger de l’expulsion se rapproche trop vite. Margot connaît un peu les sentiers, un peu les gîtes, et veut donner du temps à son ami, son presque frère. Commence alors un périple plutôt sportif, à une période de l’année où les orages s’enchaînent. Assez vite Margot comprendra qu’il est vain de fuir sans but, et qu’il faudra bien affronter la réalité, et se battre sur le terrain, aux côtés de son père.

Sans intrigue ni vrai suspense, à la seule force évocatrice de ses personnages volontaires et attachants, Ahmed Kalouaz réussit à impliquer le lecteur ou la lectrice dans ce road trip en raccourci. Margot est la narratrice, tout le récit passe par son ressenti, ses émotions, ses colères et ses doutes. Mais sa décision impulsive va paradoxalement lui permettre de réfléchir, et d’analyser les raisons de cette fugue bien intentionnée. Chaque chapitre est titré, ce qui permet de reconstituer une sorte de parcours fléché du raisonnement, et renforce l’impression qu’au-delà de l’aventure, c’est bien des principes dont il est question : Qu’est-ce qui nous indigne ? Qu’est-ce qui nous révolte ? Pourquoi décide-t-on d’agir ?

De belles questions, intemporelles, qui naissent à l’adolescence, et dont le feu couve, se déploie ou s’éteint, selon le chemin de vie de chacun. Ahmed Kalouaz en profite pour évoquer l’histoire conflictuelle entre l’Abkhazie et la Géorgie, les traditions et le sport populaire du pays, parent du rugby, qui permet à Badri de s’intégrer dans la communauté sportive, protectrice. L’intégration s’accomplit de multiples façons, en particulier pour les jeunes, et on a envie de dire : bien sûr, et pourquoi pas ?

Un roman d’apprentissage salutaire.