Ils m'ont appelée Eva

Ce récit à la première personne est tiré de faits historiques avérés. La narratrice se nomme Milada, elle est tchèque et elle a dix ans en 1942. Elle vit à Lidice, une petite ville située à quinze kilomètres de Prague. La Tchécoslovaquie est occupée par les troupes allemandes depuis 1939. Mais en juin 1942, Lidice est l’objet de représailles particulièrement violentes : tous les habitants sont arrêtés ; 173 hommes et adolescents aussitôt fusillés ; les femmes déportées à Ravensbrück, près de Berlin ; les enfants emmenés en Pologne puis gazés ; le village rasé. Une dizaine d’enfants échappe à la mort parce qu’ils sont blonds aux yeux bleus et que les nazis les intègrent dans le programme « Lebensborn. Cela consiste à déraciner des enfants non allemands pour les germaniser et les faire adopter par des familles allemandes aisées.
Pour imaginer l’histoire de Milada, l’auteure a rencontré quelques survivants de Lidice et de nombreux historiens.
Milada est donc arrachée à sa famille en juin 1942 et emmenée en Pologne avec d’autres fillettes dans un camp de germanisation, Puchkau. La discipline y est rude et l’apprentissage difficile. Elle doit oublier sa langue pour ne parler que l’allemand, oublier aussi son prénom pour s’appeler Eva. Les cours se succèdent : langue aryenne, idéologie, histoire, arithmétique. Il faut que le dressage soit parfait pour que ces jeunes filles deviennent du futures mères de famille exemplaires, appelées à faire des enfants et contribuer à la suprématie des aryens.
Milada souffre, elle pense toujours aux siens, à sa vie heureuse d’avant. Elle a gardé, précieusement cachée dans ses vêtements, la broche de sa grand-mère, son seul lien tangible avec son passé. Elle ne veut rien oublier, même si, au fil des mois, elle perd sa langue.
Au terme d’un long apprentissage, en mai 1944, Milada part à Fürstenberg, petite ville allemande au nord de Berlin. Elle fait la connaissance de sa nouvelle « famille », de sa grande « sœur » et de son petit « frère ». Le père est un haut responsable nazi et la villa où elle va vivre désormais est luxueuse. Eva devient la troisième enfant de la famille. Elle est bien accueillie, choyée, « éduquée ».
Mais au fond d’Eva, il y a toujours Milada, qui résiste, qui se souvient, qui veut retrouver ses vrais parents …
Voici un livre très intéressant, conçu comme un témoignage précieux sur les folies de l’idéologie nazie. Le sujet est douloureux, mais il est abordé avec beaucoup de pudeur et de retenue, ce qui en fait tout l’intérêt. Les lecteurs suivront avec effarement la manière dont a été conçu et mis en place le programme « Lebensborn » et la place accordée aux femmes dans cette société nazie idéale : reproductrice et éleveuse ! Enfin, le livre apporte un éclairage fort sur la question de la construction de l’identité à l’adolescence. Cet autre aspect du livre devrait, également, toucher les lecteurs adolescents. A proposer aux collégiens de 3ème et aux lycéens.