Isaac l'affreux méchant loup

Isaac, l’affreux méchant loup, porte bien cette qualification. Une salopette à moitié déchirée, des yeux énormes, des dents acérées et un pistolet (à eau) à la main, on comprend pourquoi « il n’a pas d’ami. » Il terrorise ceux qui l’approchent si bien qu’il fait le vide autour de lui. Un jour pourtant, Aly, un alligator vient vivre dans l’appartement du dessous. Isaac prend peur. Les alligators mangent les loups, pense-t-il. Dès lors, Isaac n’a de cesse de le chasser. Il ne ménage pas ses forces : porte condamnée pour l’empêcher d’entrer ; bruit d’enfer pour le décourager ; boue déversée dans le salon. Rien n’y fait. Aly, le gentil ne proteste pas et même il entre dans le jeu : il ouvre la porte coincée, se joint au concert de musique avec des percussions et se réjouit de la boue. Toutefois, lorsque, par mégarde, Isaac casse le bel appareil photo d’Aly, son silence met Isaac en accusation.

Le dessin est d’une belle efficacité, le mouvement d’Isaac lorsqu’il effraie le cochon ou tire sur le lapin vaut mieux qu’un long discours. La séquence où il tente de se débarrasser d’Aly est scénarisée et découpée comme une BD par flashes et lorsqu’on voit au milieu d’une double page blanche le petit Aly de dos ramasser, sans un mot, son appareil cassé, on sait que l’affaire est grave. Page suivante sans texte, dans sa baignoire, les yeux d’Isaac parlent pour lui : il a honte. L’auteure-illustratrice fait preuve d’une maîtrise remarquable, force et simplicité associées.
La fin énigmatique interroge : pourquoi l’appareil photo d’Aly une fois réparé, ne peut-il prendre qu’Isaac ? Quelle relation s’est nouée entre eux ? La seule façon de transformer l’affreux méchant en gentil est-elle d’en faire une vedette ? A chacun de le dire.
Isaac l’affreux méchant loup trouvera sans difficulté sa place parmi les affreux garnements de la littérature enfantine. Cette vision japonaise enrichit la galerie de portraits. Entre manga et BD, un album plein d’intérêt.