J'ai peur !

Quand le chat n’est pas là, les souris dansent. Quand les monstres ne sont pas apprivoisés, ils tiennent le haut du pavé ! Telle pourrait être la morale de J’ai peur d’Amélie Callot où un tendre dialogue s’établit entre une fillette et son père au moment du coucher et des peurs du noir.

L’héroïne appelle son père: « il y a un monstre sous mon lit ! ». Entre eux s’engage alors une discussion où l’adulte, en contre-exemple, décrit très précisément toutes les situations où il éprouve la peur.

Chaque double page évoque un scénario où, face à face, à gauche, l’autrice croque en noir et blanc le père saisi par l’inquiétude et, à droite, en couleurs, la résolution du conflit intérieur qui l’habite à cet instant et ce qui le rassure dans la réalité. Ainsi, dans le noir, le père est entouré d’un effrayant monstre dévoreur. La lumière allumée, « je finis par comprendre qu’il n’y a rien à craindre » et le jeune lecteur voit que le monstre était l’ombre des énormes plantes vertes derrière lesquelles l’adulte s’était caché. Toute la malice de l’illustratrice est de montrer, sans rien dire, que nous créons nous-mêmes nos peurs.

La diversité des tensions décrites, peur des autres, peur de tomber, d’échouer, élargit le propos à de nombreuses situations sociales. Notre petitesse dans le vaste monde, notre insignifiance face à ceux que nous pensons plus grands que nous et notre désir d’être aimé, tout cela est saisi dans le mouvement et la distance d’un humour gentiment décalé où se ressent la tendresse père-fille. Le dessin aigu, pointu, combine rondeur et raideur, et on trouve aussi bien des messages adressés à l’enfant, c’est normal de rater et de recommencer, que des messages pour les adultes, il faut garder les jeux de l’enfance et accepter de perdre du temps … puisque contre les frayeurs diverses et diffuses rien n’est mieux que la tendresse, celle qui met côte à côte l’adulte et l’enfant. Un livre rassurant. A garder sous la main pour les jours sombres...