La dame de l'ascenseur

Deux enfants, un garçon, une fille, Tom et Tina, accompagnent leur père à l’hôpital. Ils vont voir leur grand-mère, en gériatrie au sixième étage. Dans l’ascenseur, les étages défilent, les services sont annoncés par « la dame de l’ascenseur ». La nuit, pas d’annonce. Mais le lendemain, la scène se répète, dans l’autre ascenseur du pallier, une voix masculine les informe. Les enfants entremêlent la réalité prosaïque des annonces et la fiction qu’ils inventent. Ces voix de l’ascenseur sont réciproquement, selon eux, celle d’une princesse russe et celle d’un sultan arabe. Pourtant au sixième étage, s’impose la réalité, Mémé « dort » et ils ne sont pas dupes.
Le récit est feuilleté par cette alternance : chiffres égrenés qui donnent à entendre les voix, énonciation tâtonnante des enfants qui lisent les noms compliqués OPH…TAL…MOLOGIE et inventions sur l’histoire de la princesse russe, et du sultan arabe, regard sur la grand-mère, questions au père : on les entend vivre. Ils sont dans leur langage, fantasques, joyeux, graves, sans transition.

Ce flux vital est déplié délicatement par l’illustration de Fanny Dreyer. Le format haut de l’album en adéquation avec le sujet, est découpé en vignettes kaléidoscopiques où on voit selon le récit, les enfants dans la cage de l’ascenseur, dans l’hôpital, mais aussi les scènes qu’ils imaginent : la princesse russe, matriochka, salue ses compagnes au moment du départ, le sultan arabe monte fièrement son cheval… L’image déplace littéralement l’imaginaire et prolonge le récit, tout en demi-teintes des gris, carmin, jaune d’or. Le jeu subtil entre le texte et l’image, les thèmes abordés avec délicatesse, signent un très grand album sur le deuil et la joie de vivre. Gai et poignant.