La Malédiction d’Old Haven

Milieu du XVIIIème siècle, Etats-Unis. Mary Wickford, jeune et jolie orpheline, quitte le couvent où elle a grandi, et s’arrête dans le village de Old Haven qui l’attire irrésistiblement. Elle comprend bientôt que sa mère et sa grand-mère, sorcières, y ont vécu. Poursuivie par l’Inquisition, Mary rejoint la Fraternité d’York, petit groupement de sorciers. Elle apprend avec eux à se diriger dans le monde des esprits, avant de devoir affronter d’une part les Domilites, femmes-poissons venues de profondeurs de la terre, d’autre part le fou et despotique Empereur des Etats-Unis.
Depuis quelque temps, l’imagination fertile de Fabrice Colin semble se poser – entre autres - sur l’histoire des Etats-Unis : après une bande dessinée au héros immigré irlandais du XIXème siècle, l’auteur remonte le temps, quasiment jusqu’aux pères pèlerins. Dans les deux cas, il transporte dans un univers historique la touche fantastique qu’il manie si bien. On peut d’abord parler ici d’une réécriture du passé, avec la ville de Gotham (c’est-à-dire New-York, mais voyez aussi le clin d’œil à Batman avec l’asile de Salem) gouvernée par un Empereur : oubliées, les colonies et gouverneurs, et pourtant on croise des personnages historiques, on rencontre des Indiens. La reconstitution des modes de vie de la Nouvelle-Angleterre est soignée, charettes et durs travaux compris, mais Fabrice Colin rajoute des grains de sel d’avancées technologiques. Tout est vrai, tout est légèrement dévoyé, et c’est particulièrement réjouissant ! D’une manière fantastique plus traditionnelle, l’innocente Mary a des pouvoirs, elle va dompter un dragon, affronter le Pharaon Noir gluant de tentacules (une idée vite lancée sur la fin, mal exploitée). Narratrice ballottée par son destin, aidée par des figures de sages (sa grand-mère, Rip), elle prend le temps d’exprimer ses sentiments et n’en est que plus attachante. Les Domilites excitent tout du long la curiosité : sont-elles bonnes, mauvaises ? La relation entre le pasteur et l’Empereur, inattendue, aurait peut-être pu être davantage relayée d’indices. Mais peu importe, Fabrice Colin construit un roman multiple et complet, où l’amour trouve encore sa place en la personne d’un beau pirate (car oui, il y a même des pirates !). Collant bien moins à une réalité historique que le fameux Journal d’une Sorcière de Celia Rees, La Malédiction d’Old Haven trouve des idées, un rythme et une écriture personnelles qui en font un roman qu’on dévore. A quand une adaptation cinématographique ?…