Laisse de mer

La laisse de mer… Celle avec laquelle on retiendrait les vagues ? Plutôt ce que laisse la mer, ce qu’elle abandonne sur le sable, vague après vague, marée après marée… Une collection hétéroclite et (mal)odorante de coquillages, algues, bois flotté et aussi débris issus des activités humaines, pollution à long terme dont Marie Saille, artiste photographe, nous propose un inventaire poétique et informé pour son premier titre publié. 

Plantes et algues, crustacés, mollusques bivalves et gastéropodes mais aussi créatures qui relèvent de familles au nom mystérieux; cnidaires, cténophores, échinodermes ou « plastiques pas fantastiques » qu’il faut récolter pour soigner la nature^[1]. Marie Saille les isole, les immortalise et les décrit à la façon scrupuleuse d’une biologiste. Chaque photo est retravaillée en page de droite, pour évoquer l’ombre de l’être ou de la chose. Une apparition fantomatique noire, presque en lévitation sur un fond de couleur nacré, qui laisse rêveur avant que d’être appelé à découvrir le texte en page de gauche. 

Un texte d’inspiration scientifique, mais qui se lit comme un chapitre de l’histoire de cette tranche de vie particulière, celle de la chevelure poétique et ornée d’une vague qui s’abandonne et l’abandonne aussi sur l’estran, ce « délaissé sableux de la mer », « zone de balancement ». Cette ambivalence de sens, puissamment poétique, comme dans un poème de Francis Ponge, ouvre donc la voie à un ensemble de précisions naturalistes et savantes, pimenté de détails plus anecdotiques et drôles, qui feront se trémousser les petits enfants. Une belle illustration de la dimension fantastique de l’observation et de l’étude, une invitation à la promenade éclairée et au partage. 

 ^[1] Relire à ce propos les poèmes de Voyage à Poubelle-plage, d’Elisabeth Brami et Bernard Jeunet, Seuil Jeunesse, 2022