Le baron bleu

Le baron bleu, aux commandes de son avion fabriqué maison, observe tranquillement les oiseaux. Mais quand la guerre vient frapper à sa porte, il repeint son engin et passe à l'attaque. Armé de projectiles lourds et sérieux - un gros dictionnaire et une encyclopédie en douze volumes -, le petit homme réussit à détourner un régiment. Puis, de guerre lasse, il lâche Guerre et Paix, sa dernière munition. Le roman russe rate sa cible, mais assomme de lecture le général ennemi. « Puisque la force d'un livre était dans ses pages, le combat pouvait reprendre » : « Quand le baron semait des poèmes, il poussait des poètes. » Affinant sa stratégie, « il largua le courrier des familles des soldats, en prenant soin d'intervertir les lettres des deux camps. » La guerre enfin finie, le baron bleu – à ne pas confondre avec le rouge –, « fut décoré des armes et des lettres ».

Utiliser la force des mots pour faire taire la guerre est un joli pari. Gagné, ici, sur tous les fronts… Gilles Baum joue avec les mots et les assemble avec une justesse et une précision digne d'un orfèvre. Il en résulte des jeux de mots savoureux qui disent l'essentiel, donnant ainsi une autre texture au conflit. Mais « c'est une histoire de l'autre siècle, quand on faisait encore la guerre à la main »… Les illustrations de Dedieu se détachent sur fonds de pointillés, donnant un effet rétro plutôt réussi. Les soldats moustachus affichent un air bonhomme et sympathique, plongés qu'ils sont dans leurs « traités de philosophies explosifs ». Une perle de livre qui atteint sa cible en plein cœur.