Le manteau de mots

Un père, une mère, un bébé qui devient petite fille et son entrée dans le langage par l’intermédiaire des parents : tel est le sujet subtil et fondamental de cet album.

Sur la couverture de l'album, la petite fille et son père, nez à nez, se sourient. Les premières pages du livre reviennent en arrière, à la naissance. Le père engage le dialogue : « Ta maman et moi, nous cueillons des mots pour t’en faire cadeau ». Cette introduction illumine le texte. Oui, les parents font « cadeau » d’une langue qui va ancrer l’enfant dans le réel. Oui, les relations qu’ils ont avec cette langue déterminent pour une part son entrée dans le monde. Le parti pris des auteurs – comment les en blâmer ? – est de considérer cela comme un « cadeau ». Pour certains, cela peut sans doute être un handicap mais ici les scènes se suivent entre un homme, une femme, au service d’un tout-petit. Le discours de présentation (« des mots émus/ ou inattendus ») alterne avec le dialogue entre parents émerveillés (« Elle est si petite ! »), ou entre parents et fillette (« Bonjour ma libellule... ») de sorte qu’à la lecture, on pourra jouer plusieurs rôles. Les mots fabriquent des saynètes comme le magique « coucou-caché », ils rythment les progrès (« Tu vas y arriver ! / Ce n’est pas grave, allez, recommence ! ». Le texte bref et joyeux renvoie aux images claires et précises. La dernière où l’enfant, revêtue de son manteau de mots « doux et chaud », quitte ses parents conclut logiquement la tendre démonstration.

Accompagner les parents dans leur discours aux enfants, mettre en évidence le rôle de ce langage puéril, les rendre conscients de ce qui se joue dans ces mots enfantins, même ridicules  (« Et badaboum ! ») ; dialoguer avec chaque petit grâce au livre qui délivre ce message d’amour, voilà un album salutaire…