Le Mystère du lac

1964, Etats-Unis. Le jeune Cory et son père sont témoins de l’immersion dans un lac d’une voiture et de son passager déjà assassiné. Le père obsédé par ce crime refuse l’aide de la Dame, une vieille Noire un peu sorcière. Cory, impuissant face à cette détresse, décide de percer le mystère de l’homme du lac.
Résumer l’intrigue du Mystère du lac est très difficile tant de ramifications se greffent sur la ligne principale, à savoir l’élucidation du crime. Robert McCammon fait revivre sous nos yeux toute la société d’une province américaine des années 1960. On est bien loin du mythe doré des sixties, dans ce petit village où les Beach Boys sont déclarés dangereux par le révérend… La ségrégation est à son point culminant : quartiers coupés en deux, résurgence du Ku Klux Klan. A l’écart des autres bâtiments, une maison close est tenue « à l’ancienne » par une mère maquerelle. L’apparition du premier supermarché met au chômage tous les petits commerces locaux, et le père de Cory, livreur de lait en bouteilles de verre, découvre le plastique… La Guerre du Vietnam n’a pas encore commencé pour les Etats-Unis, et les esprits sont encore marqués par la Seconde Guerre Mondiale. S’agit-il d’un roman fantastique ? On flirte effectivement avec le surnaturel, mais Le Mystère du lac est à mon sens avant tout un formidable thriller, frissonnant à souhait, rythmé admirablement. La fin rapide mais radicale de réalisme laisse ébahi devant son habileté. Le narrateur, Cory adulte, se présente comme omniscient du fait du caractère rétrospectif de son récit. Il raconte avec saveur et nostalgie, et le lecteur suit plaisamment ses tentatives de jeune auteur déjà doué qui participe au concours de nouvelles sur sa petite machine à écrire. Quelques scènes de l’enfance sont très poétiques, comme celle où les simples mots de Cory entraînent ses camarades dans une poursuite dans les airs. Touchant et mature à la fois, le héros principal est pour beaucoup dans le relief et la réussite de ce gros ouvrage qu’on dévore. A noter la parution en mars de Je suis ta nuit de Loïc Le Borgne (Intervista), qui reprend cette même double thématique enfance/thriller fantastique, transposée dans la Bretagne des années 1980.